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LE CHEVALIER.

Ce soir ! et cela n’est pas su ! Voilà le premier mot que j’en entends dire.

LA MARQUISE.

Vraiment non, cela n’est point répandu, je n’en savais pas un mot moi-même ce matin ; c’est une aventure assez plaisante. Je vous conterai cela quelque jour.

LE CHEVALIER.

Expliquez-moi de grâce tout à l’heure une énigme aussi incompréhensible.

LA MARQUISE.

Rien n’est plus réel, la noce était pour ce soir ; mais, à vous dire la vérité, cela est différé, il est survenu quelques difficultés.

LE CHEVALIER.

Ah ! je respire, je vois que c’est une plaisanterie.

LA MARQUISE.

Non, vous dis-je. Les difficultés ne roulent pas sur le fond de l’affaire ; mon collier ne saurait être monté pour ce soir, je n’ai point de domino[1].

LE CHEVALIER.

Eh ! quel est donc l’heureux époux ?

LA MARQUISE.

Le comte de Sancerre.

LE CHEVALIER.

Mon frère ! qu’entends-je ?

LA MARQUISE.

Vous êtes fol, votre frère ? et vous ne portez pas seulement le même nom ?…

LE CHEVALIER.

Je porte celui d’une terre,… mais je n’en reviens point. D’où connaissez-vous mon frère ? depuis quand ? Est-ce un mariage d’inclination ? qui a traité cette affaire ?

LA MARQUISE.

Personne. Cela s’est fait on ne sait comment ; beaucoup de froideur du côté de votre frère, un peu de répugnance de ma part, au surplus beaucoup de convenances, à ce qu’on dit.

  1. Ce mot s’explique par une description assez étrange qu’on nous fait dans la pièce de la manière dont se mariaient les gens du bel air. « On se rassemble le soir tout à l’ordinaire, on fait un excellent souper en bonne et petite compagnie. On se garde bien de rassembler une sotte famille qu’on ne connaît point. On évite de parler de la platitude qu’on va faire. Après souper, on se rend à une petite église particulière, où toute la France se trouve, hors les parens ; on va de l’église au bal dans une mascarade d’invention. Le lendemain, on prend une espèce de congé de son mari en prenant son nom et sa livrée. On court à Versailles exciter la curiosité et réveiller l’attention sous un nouveau titre. »