Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 79.djvu/710

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de l’instinct pour les choses de bon goût, qu’elle sache tenir une table élégante, qu’elle ne soit point contraire à la bonne compagnie, qu’elle ne l’éloigne point ; c’est mon affaire, à moi, de l’attirer.

GÉRASTE.

Fort bien !

ALCIDOR.

Au regard de sa conduite, pourvu qu’elle ne soit pas délabrée au point du méchant air pour elle et d’une contenance embarrassante pour moi dans le public, j’en serai plus que content.

GÉRASTE.

Grand merci de votre indulgence !

ALCIDOR.

Dans le courant de la vie, d’elle à moi, des politesses d’occasion, des égards de rencontre, liberté suprême. Entre nous deux, monsieur, souveraine commodité, trois mois sans nous voir, à moins que les affaires ou le plaisir ne nous joignent.

GÉRASTE.

Nous n’aurons donc pas la même table ?

ALCIDOR.

Pardonnez-moi, mais cela ne fait pas qu’on mange ensemble ; on ne dîne point ; chacun a ses heures, on se fait porter un morceau dans sa chambre. Je vous crois au moins désabusé par l’aimable Amalasonthe des civilités puériles de l’étiquette de père, d’enfant, etc.

GÉRASTE.

J’entends. Oh ! çà, monsieur, me voilà suffisamment instruit, vous pouvez aller éclairer le monde.

Quoique l’histoire des mœurs du XVIIIe siècle prouve que le personnage d’Alcidor n’est pas imaginaire, il est certain qu’il est un peu forcé, et qu’il dépasse même un peu la mesure du libertinage d’esprit qu’on tolérait en ce temps-là sur le théâtre. Il n’en est que plus curieux, à notre avis, de voir l’élite de la société d’alors s’amuser à huis clos de ces paradoxes impudens ; mais il faut reconnaître aussi que M. de Forcalquier ne cherche nullement à nous intéresser à ce personnage : en le rendant spirituel, il a soin de le peindre en même temps ridicule. Il n’en est pas moins vrai que dans cette pièce, comme dans les autres du même auteur, le persiflage licencieux de l’état conjugal n’est pas rare. Nous aurions même pu citer en ce genre, et dans la bouche d’une ambassadrice, représentée encore par Mme de Mirepoix, des propos aussi libres que ceux qu’on vient de lire. Il s’agit d’une scène de la comédie intitulée la Vénitienne, où cette ambassadrice explique à une jeune fille de Venise, représentée par Mme de Rochefort, comment les gens de qualité entendent le mariage en France. Nous devons ajouter que