Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 79.djvu/720

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

recherches, quelquefois couronnées de succès, que les pratiques proposées sont tout empiriques, et que les observateurs n’ont pu trouver le dernier mot de cette obscure et intéressante question.

Ce n’est que depuis peu du reste qu’ont été appliquées à l’étude de la truffe les méthodes rigoureuses et les procédés d’observation scientifique qui caractérisent notre temps ; mais elle a été depuis la plus haute antiquité connue et appréciée des gourmets. Les Grecs en faisaient grand cas ; les Romains, qui ont porté très loin les raffinemens culinaires, mettaient l’univers à contribution pour se procurer ce savoureux tubercule. Ils en faisaient venir particulièrement de Libye et d’Espagne. Les sociétés barbares qui, après les Romains, se partagèrent le sol de l’Europe, avaient l’appétit plus robuste et le goût moins difficile que les descendans dégénérés des maîtres du monde. Les truffes ne paraissent point avoir été en grand honneur parmi eux, nul écrivain contemporain n’en parle. Il faut arriver au XIVe siècle pour les voir apparaître dans les repas de la cour de France. La renaissance revint aux traditions grecques et romaines sur ce point comme sur tant d’autres, et François Ier, au retour de sa captivité, mit décidément les truffes à la mode. Elles n’ont pas cessé depuis lors d’être l’accompagnement obligé des repas de cérémonie, et la consommation s’en est graduellement et constamment accrue. Le prix a augmenté naturellement en même temps que la faveur dont elles étaient entourées. C’est devenu une dénuée commerciale d’une certaine importance. M. Chatin, qui a pris des renseignemens avec beaucoup de scrupule auprès des sociétés et comices agricoles, n’estime pas à moins de 18 millions de francs la valeur des produits récoltés annuellement en France dans les quarante-six départemens où se rencontrent des truffes. Ces départemens correspondent à nos anciennes provinces de Périgord, Saintonge, Gascogne, Rouergue, Languedoc, Provence et Dauphiné, toutes situées au sud de la Loire. On trouve également des truffes en Bourgogne et en Lorraine.

La variété la plus estimée est la truffe noire[1]. Elle vit et se

  1. On compte neuf autres variétés de truffes, toutes, à des degrés divers, inférieures à la truffe noire. Ce sont : 1° la truffe grise ou truffé blanche du Piémont, fort estimée des personnes qui aiment l’odeur de l’ail ; on l’appelle encore truffe blonde, aoustenque. gros nez de chien ; elle pèse jusqu’à 400 grammes ; — 2° la truffe musquée du Périgord, désignée parfois sous les noms de truffe punaise, fourmi de Piémont, truffe puante de Provence ; — 3° la truffe rousse, appelée aussi grise ou sauvage du Poitou et noire de la Champagne et de la Bourgogne ; — 4° la truffe mésentérique, correspondant à la grosse et petite fouine de Bourgogne, que l’on trouve également en Normandie, aux environs de Paris, en Angleterre, en Allemagne et en Uoheina-, — 5° la truffe blanche d’été, dite de la Saint-Jean, dans le Poitou et la Bourgogne, messingeonne en Dauphiné, mayenque en Provence ; — 6° la truffe blanche d’hiver, que M. Chatin a distinguée des autres espèces ; — 7° le Tuber rapœodorum à enveloppe lisse, qu’on rencontre à Meudon et Bougival ; — 8° le Tuber excavatum, nommé en Provence petit nez de chien, et dans la Drôme, le Poitou, le Périgord et le Dauphiné truffe musquée ; — 9° le Tuber maculatum, que l’on trouve en Touraine. Outre ces neuf espèces, il existe deux variétés également comestibles, le melanogaster variegatus (truffe musquée du Dauphiné ou gomme du Poitou et de la Touraine) et le tersez ou fécule de terre des Arabes.