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ici favorable, là-bas est nuisible. Le rôle des arbres en ce cas est par leurs racines d’ameublir le sol au degré voulu, par leurs feuilles de lui distribuer avec plus ou moins de parcimonie la chaleur, la lumière, l’humidité. Le choix des essences doit donc être déterminé par la consistance, la pente, l’exposition du terrain, les vents régnans, la fréquence des pluies, mille autres causes indirectes. Tel arbre dont les racines aéreraient parfaitement un terrain léger laissera dans un terrain plus ferme le mycélium ou les tubercules périr suffoqués par l’absence d’air ; tel autre qui dans un climat brumeux laisse percer une lumière convenable les fera tuer par le soleil dans une contrée plus lumineuse. Ce qu’il faut avoir bien présent, c’est que les tubercules réclament une obscurité moyenne, une humidité modérée, qu’il faut demander autant que possible aux eaux pluviales, car les irrigations artificielles contiennent des sels terreux nuisibles aux truffes, enfin un renouvellement de l’air confiné qui les baigne. Or ce renouvellement est favorisé par l’aspiration de gaz et de liquides qu’opèrent les racines des arbres voisins et par la division mécanique qu’elles donnent au terrain.

Quant à l’habitude de recueillir pour les semis les glands provenant des meilleures truffières et de les conserver avec tant de précautions, on a essayé de la justifier en disant que les sporules des champignons pouvaient rester attachées à ces glands. Cela peut être, et certains faits semblent prouver qu’il en est quelquefois ainsi. Il est à croire néanmoins que la précaution est inutile. Ces sporules remplissent l’air, les mouvemens de l’atmosphère suffisent pour les transporter dans toutes les directions et à de grandes distances. Le mycélium se développera et fructifiera partout où il rencontrera dans le sol des conditions propices. Il semble à peu près inutile d’en porter soi-même les germes aux lieux qu’on a disposés pour les recevoir, le vent se charge de ce soin.

Une particularité qu’on a dû remarquer, c’est que, si les truffes naissent d’un végétal radicellaire, d’un mycélium, celui-ci ne tarde point à se détruire ; le tubercule croît alors isolé, et puise directement sa nourriture dans le sein de la terre. Pendant cette phase de son développement végétal, il triple ou quadruple de volume, atteignant un poids qui pour les truffes noires varie entre 20 et 200 grammes et atteint quelquefois 700. Les végétaux phanérogames ne nous offrent pas d’exemples de ces sortes d’existences indépendantes, et on serait disposé au premier abord à voir là une sorte d’anomalie. C’est pourtant un cas assez fréquent chez les cryptogames. Plusieurs sont même entièrement dépourvues dès l’origine d’un mycélium radicellaire quelconque, et pompent sans intermédiaire dans le milieu ambiant les sucs dont elles se nourrissent. Telle est la levure de bière. Nous avons dans une autre occasion