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fait flétrir avec les pèlerins de Belgrave-Square ; sous la république, il aurait été membre, et membre important, du comité de la rue de Poitiers. Légitimiste avoué et décidé, les passions religieuses, plus fortes que les passions politiques, en firent cependant l’allié, l’appui, le conseiller des administrations qui se succédèrent à l’île de la Réunion depuis 1854 jusqu’à sa mort, arrivée il y a cinq ou six ans. Il ne fut pas seulement le président du conseil-général, il en fut le dominateur. Il partagea avec les gouverneurs et les directeurs de l’intérieur qu’il vit passer au pouvoir le poids de l’administration de la colonie et la responsabilité soit du bien soit du mal qui s’accomplit pendant cette période. C’est sous l’impulsion donnée par M. Charles Desbassyns et M. Desprez que le clergé, tant séculier que régulier, prit à la Réunion un développement inconnu jusque-là, qu’une part importante du budget colonial fut consacrée à multiplier les églises et les chapelles au-delà de ce qui était nécessaire, qu’une somme considérable fut votée pour construire une cathédrale qu’on ne pourra jamais achever et qui tombe déjà en ruine, qu’un collège de jésuites s’éleva pour faire concurrence au lycée impérial. C’est sous la même impulsion que fut créé ce fameux établissement de la Providence dont le nom a si souvent retenti dans les derniers événemens de la Réunion, et dont nous devons dire quelques mots. La Providence n’est pas, à proprement parler, un établissement religieux ; c’est un établissement d’utilité publique dirigé par des religieux. La Providence comprend : 1° une école des arts et métiers, 2° un pénitencier pour les jeunes détenus, 3° un hospice pour les vieillards et pourries infirmes. L’établissement a été placé pour une période de vingt-cinq ans sous la direction des Pères du Saint-Esprit et du Saint-Cœur-de-Marie. Le terrain leur a été concédé gratuitement, et une subvention annuelle de 80,000 francs leur est allouée sur le budget colonial.

L’administration de la Réunion prétend qu’elle n’a pas trouvé de laïques pour administrer convenablement cet établissement. Nous le regrettons, et nous nous en étonnons. Il n’est pas nécessaire d’être hostile au catholicisme pour penser qu’il n’est pas bon, dans des sociétés organisées comme la nôtre, de confier à une communauté religieuse la direction d’une école des arts et métiers. Un établissement de ce genre doit conserver un caractère essentiellement laïque. On (nous dit que les pères de la Providence s’acquittent fort bien de la tâche qu’on leur a confiée : nous voulons le croire. On nous dit que les accusations portées contre eux par la population de Saint-Denis sont fausses ou du moins exagérées, notamment l’accusation de faire une concurrence déloyale à l’industrie privée en vendant à bas prix, grâce à la subvention, les machines, les