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négociations d’alliance avec les progressistes se renouaient avec une activité nouvelle pour ne plus s’interrompre. Entre les côtes d’Europe et les Canaries, il n’y avait pas si loin que des relations secrètes et assidues ne pussent être suivies, et peu s’en fallut que l’insurrection n’éclatât le 15 août. Le jour semblait indiqué, le bruit en courait partout, et le gouvernement y crut ; mais il y avait encore des difficultés à vaincre, ne fût-ce que celle du retour des généraux, sévèrement gardés dans leur île ; tout n’était pas prêt, quoique tout se disposât pour un événement inévitable et prochain dont la date seule restait incertaine.

Le sentiment du péril finissait-il par pénétrer dans les conseils de la royauté espagnole ? On l’aurait dit. Toujours est-il qu’un certain ébranlement se faisait sentir dans l’entourage de la reine et dans le monde officiel aux approches du 15 août, au moment où la cour partait pour Lequeitio, dans les provinces basques, sans se douter qu’elle ne retournerait plus à Madrid. Des tiraillemens se laissaient voir dans les hautes régions politiques, comme si la lassitude commençait à naître. Le général Pavia, marquis de Novaliches, qui commandait à Barcelone, et le général Pezuela, comte de Cheste, qui commandait à Madrid, venaient d’être obligés de faire un chassé-croisé assez énigmatique en se remplaçant mutuellement pour des conflits médiocres, et l’un et l’autre avaient fini par donner leur démission ; il y avait même cette particularité que le général Pezuela se démettait aussi d’un poste de confiance, celui de commandant des hallebardiers. M. Gonzalez Bravo n’avait plus son assurance superbe. Soit qu’il fut réellement fatigué, soit qu’il en vînt à s’émouvoir de l’orage qui grossissait, il parlait de quitter le pouvoir, il demandait à se retirer. La reine elle-même s’inquiétait par intervalles de l’état des affaires, et, à peine arrivée dans les provinces basques, elle faisait appeler le général José de La Concha ; elle l’entretenait de la situation du pays, elle lui disait de se tenir prêt à entrer au ministère. Le général ne pouvait refuser, et à son tour il en parlait à ses amis, à ceux avec lesquels il avait l’intention de partager le pouvoir. Il croyait peut-être lui-même les choses plus avancées qu’elles ne l’étaient ; il se voyait déjà premier ministre, et c’est justement ici la dernière occasion qu’a eue la reine Isabelle d’ajourner tout au moins, sinon de détourner complètement la crise qui s’approchait.

Il est certain que le général Concha, avec des amis de quelque autorité et de beaucoup de modération, avec son frère le marquis del Duero, aurait pu amener une trêve dans la situation de l’Espagne, en commençant, bien entendu, par rappeler les généraux exilés et par donner des gages d’une politique plus libérale. Au