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défendre contre toutes les attaques. Elle ne doutait pas qu’il ne fît tout au monde pour combattre des événemens qui pourraient favoriser l’élévation du duc de Montpensier au trône d’Espagne. Elle pensait trouver chez l’empereur, quand elle pourrait le voir, une animosité égale à la sienne, la bonne volonté de servir une cause commune ; elle ne voyait qu’en lui son salut, et elle avait si bien fini par se livrer à cette idée fixe, que son impatience prenait un caractère fébrile. Quelquefois, dans le même jour, plusieurs dépêches arrivaient à Paris pour savoir quand l’empereur partait, quand il devait arriver à Biarritz. Le télégraphe était aux abois, et aussi les agens de la reine à Paris, d’autant plus que ceux-ci ne pouvaient assaillir les Tuileries de leurs demandes d’informations, comme ils étaient assaillis eux-mêmes par le télégraphe.

Chose étrange, soixante ans après 1808, à Bayonne ou près de Bayonne, un Napoléon était encore une fois attiré, s’il le voulait, à se faire l’arbitre des affaires de l’Espagne, des dissensions intimes d’une famille royale qui reproduisait plus d’un trait de la cour de Charles IV. Il y a de bizarres fatalités. Seulement le Napoléon de 1868 n’était pas le Napoléon de 1808. L’empereur, et pour bien des raisons, évitait tout ce qui aurait pu l’engager ; il voyait sans doute monter l’orage au-delà des Pyrénées, il savait probablement ce que tout le monde commençait à ne plus ignorer. Il avait peu de goût, il faut le croire, à trouver une autre aventure du Mexique à nos portes, et autant la reine montrait d’impatience, autant il paraissait peu pressé de partir pour Biarritz ; il retardait jusqu’au dernier moment. Cette entrevue, qui n’a jamais eu lieu, a pourtant un rôle dans la révolution d’Espagne. Tant que l’éloignement de l’empereur la rendait impossible, la reine Isabelle la poursuivait de tous ses désirs ; le jour où elle était devenue possible, il n’était plus temps. Une nouvelle foudroyante arrêtait la reine à Saint-Sébastien au moment où elle partait pour Biarritz. Ce jour-là même, le matin du 18 septembre, Cadix s’était réveillée au bruit des salves d’artillerie de l’escadre, qui se prononçait et entraînait la ville dans l’insurrection.

Ce qu’on ne savait encore que très incomplètement et ce qui était arrivé, le voici. Depuis quelques semaines, tous les fils de la conspiration s’étaient renoués et resserrés. Pour tous, l’heure de l’action avait sonné. Plusieurs tentatives avaient été faites afin d’aller chercher les généraux aux Canaries, elles avaient d’abord échoué. Une dernière avait réussi, elle avait été organisée par un homme qui ne se lassait pas de travailler à la révolution : c’était un poète dramatique qui a eu le succès le plus populaire, le plus retentissant, par sa comédie de Tanto por ciento, un orateur qui a