Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 79.djvu/856

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« anniversaire de la prise de Belgrade par Kara-George en 1806, et jour de Saint-André, protecteur de la Serbie sous ses anciens rois. » Des représentans de toutes les communes y furent convoqués. Le 29, Milosch, qui depuis dix ans n’avait pas mis le pied dans la ville, y fit son entrée avec un splendide cortège au milieu des acclamations populaires. Des soldats serbes occupaient les portes, gardées jusque-là par les musulmans. Le lieutenant du pacha était allé au-devant du prince jusqu’à une lieue de Belgrade ; après l’avoir complimenté de la part de son maître, il l’accompagna jusqu’au palais, où le fils du vizir l’attendait, et lui tint l’étrier. Jamais pareils honneurs n’avaient été rendus par des fonctionnaires turcs à des raïas, excepté dans les héroïques légendes de Marko le fils de roi. Le lendemain, 30 novembre, une foule immense, accourue de tous les points de la Serbie, se pressait autour d’un vaste pavillon dressé dans la campagne. C’est là que le représentant de Mahmoud, Hussein-Pacha, escorté du mollah, des dignitaires turcs, de tous les musulmans notables, et le prince des Serbes au milieu de ses compagnons allaient entendre lire les pièces revêtues de la signature sacrée[1]. La première commençait ainsi :


« Sultan Mahmoud-Khan, fils du sultan Abdul-Amid-Khan, toujours victorieux. Que le contenu soit exécuté !

« Le traité conclu à Andrinople entre ma Sublime-Porte et la Russie, portant l’exécution des clauses de la convention d’Akermann, laquelle stipule : que la Porte s’entendra avec la députation serbe à Constantinople pour s’occuper des intérêts de la Serbie, lui accorder la liberté du culte et de l’administration intérieure, l’incorporation des districts détachés, la fixation des impôts, l’administration des propriétés et des fiefs appartenant aux musulmans, la permission de voyager avec leurs propres passeports, la faculté de fonder des hôpitaux, des écoles, des typographies, la défense aux musulmans d’habiter la Serbie (les garnisons des forteresses exceptées), et enfin accorder aux Serbes la permission d’avoir une espèce de représentation à Constantinople, de telle sorte pourtant qu’elle ne porte aucune atteinte à leur qualité de sujet ;

« Vu que la nation serbe, ayant donné des preuves de sa fidélité à ma Sublime-Porte, est l’objet de mon impériale bienveillance, et que je veux faire droit à ses requêtes d’une manière juste et convenable afin d’augmenter les moyens de sûreté intérieure ;

  1. On sait que ces mots hatti-chérif veulent dire signature sacrée ou signature bienheureuse ; cette signature, c’est le nom du sultan tracé de sa propre main ainsi que la formule inscrite immédiatement après : que le contenu soit exécuté ! Les actes revêtus de cette signature sont des hattis-chérifs ; les autres, portant le cachet, mais non l’autographe du sultan, s’appellent des firmans. Les hattis-chérifs sont réputés irrévocables ; les firmans, qui émanent de la Sublime-Porte, c’est-à-dire du grand-vizir au nom du padischab, peuvent être révoqués.