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ce carton sans rival qui représente la Prédication de saint Paul ? Cette forte et robuste architecture, ces temples, ces portiques, ces colonnes, doivent figurer le monde romain, dont Paul fait encore partie. La perspective est complètement violée ; mais l’art est satisfait. Les pierres elles-mêmes, les monumens de l’antique et puissante civilisation, viennent prêter leur écho aux paroles de celui qui annonce la foi nouvelle. Les miniaturistes du moyen âge, les anciens maîtres allemands et flamands, ont souvent abusé de l’indulgence de l’œil en matière de perspective ; leur peinture est trop synthétique, et ils se plaisent trop à mettre plusieurs tableaux dans un tableau. Sans nul souci des grandeurs ni des distances, ils accumulent autour d’un sujet tout le trésor de leurs souvenirs. Depuis la renaissance, l’art a eu plus de souci de l’illusion matérielle ; mais il ne s’est jamais asservi à une perspective mathématique qui laisserait à l’homme trop peu de place, et l’écraserait sous les choses matérielles. Léonard de Vinci, dans son Traité de la peinture, a indiqué ces relations de l’art et de la géométrie. Qui songe, en contemplant les sublimes figures de la Sainte Cène, à vérifier si toutes les lignes parallèles de la salle du festin vont converger au même point ? Qui est-ce qui découvrira quelques erreurs volontaires de Raphaël dans l’ordonnance architecturale de l’École d’Athènes ? L’œuvre de pierre et de bois ne doit jamais étouffer l’homme. C’est ce dernier surtout que nous cherchons, que nous voulons apercevoir. Si la perspective était trop rigoureuse, la place de l’homme serait trop petite. La peinture n’a que deux dimensions pour en représenter trois à l’esprit, elle n’offre aux yeux qu’une seule image, et ne peut donc produire l’illusion stéréoscopique. Elle n’a d’autres moyens pour représenter la profondeur que les-ombres, les dégradations de tons, le modelé. Pour donner l’illusion de la grandeur, elle met en jeu la faculté que nous possédons instinctivement d’apprécier les choses par la proportion plutôt que par l’étendue absolue. Un tableau est, avons-nous dit, comme une fenêtre à travers laquelle nous apercevons les objets : plus petits, ils sont en quelque sorte plus éloignés ; plus grands, ils sont plus rapprochés de nous. Il devrait en résulter que plus les grandeurs sont atténuées, plus aussi les couleurs doivent se fondre et s’éteindre dans l’éloignement. Une réduction d’une grande toile ne devrait pas rigoureusement avoir la même gamme de couleurs que l’original ; mais les peintres profitent ici encore de l’indifférence naturelle de l’œil à l’intensité de la lumière, et leur palette est en réalité si pauvre qu’ils s’efforcent toujours, quelle que soit la dimension des personnages et des objets, d’en tirer l’effet le plus grand possible. Quand on se promène dans un musée, on voit dans toutes les toiles, grandes