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pas de pape existant, ces trois évêques pourraient assurément sacrer tous les évêques du monde. Il y a plus : en ce cas, un seul évêque le pourrait. » Fesch l’inscrivit comme ayant prononcé un oui absolu. Le cardinal Spina fit à peu près la même réponse, déclarant que dans le concile il s’opposerait de toutes ses forces à ce qu’on fît d’un cas purement hypothétique une règle de discipline. Il n’en fut pas moins inscrit comme ayant donné un oui absolu. Les autres évêques répondirent par des oui enveloppés de force restrictions. L’archevêque de Bordeaux répondit très positivement non, objectant que c’était là un cas imaginaire, et qu’il était de foi que l’église aurait toujours un chef et des évêques ; l’évêque de Tournai vota de même. M. de Broglie se ralliant à l’avis de son collègue de Bordeaux, l’évêque de Troyes dit au président : « Inscrivez-moi, monseigneur, pour oui ou pour non, comme vous voudrez, car tout cela est indifférent et purement chimérique. » Ce bel ouvrage fini, lisons-nous toujours dans le journal de M. de Broglie, Fesch produisit cette autre question : « si le pape était mort, un concile national pourrait-il statuer sur l’institution canonique ? » Le but de cette seconde proposition était manifeste. Tous les membres de la majorité comprirent parfaitement où leur président voulait les conduire ; ils ne donnèrent pas dans le piège, et huit voix contre trois se prononcèrent pour la négative. Le cardinal Fesch, voyant qu’il ne pouvait par aucune subtilité venir à bout de l’opposition qu’il rencontrait dans le sein de la commission, en convint loyalement, et sans plus de retard proposa d’approuver une déclaration ainsi conçue : « la congrégation particulière nommée par le concile pour répondre au message de sa majesté pense que le concile, avant de prononcer sur les questions qui lui sont proposées, agissant d’après les règles canoniques et suivant ce qui s’est pratiqué de tout temps dans l’église, ne peut se dispenser de solliciter de sa majesté la permission d’envoyer au pape une députation qui lui expose l’état déplorable des églises de l’empire français et du royaume d’Italie, et qui puisse conférer avec lui sur les moyens d’y remédier ; » Le soir même, c’est-à-dire le 5 juillet 1811, le cardinal portait à l’empereur cette déclaration signée de lui et de tous les membres de la commission du message.


III

La réception qui attendait le cardinal Fesch à Saint-Cloud ne fut pas différente de celle que l’empereur avait coutume de faire à son oncle quand il croyait avoir sujet de s’en plaindre. Il commença, nous dît l’abbé Lyon net, par « s’emporter d’une façon indécente