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régime civil au régime militaire ; les « inspecteurs » que l’on prend dans les rangs des officiers de marine ne sauraient suffire plus longtemps à l’administration du pays. Il faudrait en second lieu introduire une culture riche, telle que la soie ou le tabac, qui pût donner quelque importance au commerce extérieur. Il faudrait enfin chercher à développer la population, car le pays pourrait contenir le double d’habitans. Pour atteindre ce but, les moyens seraient fort simples : faire appel d’une part aux capitalistes français, et de l’autre à ces travailleurs par excellence que la Chine nous offre à si peu de distance, prendre en même temps les mesures sanitaires les plus indispensables, telles que la vaccination obligatoire. Si les femmes annamites sont renommées pour leur fécondité, la variole leur enlève le tiers de leurs enfans dès la première année, et un second tiers avant l’âge de vingt et un ans.

Le commerce de la Chine est encore, pour la plus grosse part, entre les mains des maisons anglaises. La France n’a pas un seul représentant dans ce pays de la soie ; il arrive souvent que les soies de Chine traversent Marseille pour aller d’abord à Londres et revenir ensuite à Lyon. Le Comptoir d’escompte et les Messageries impériales sont les seuls établissemens français ; il est vrai qu’ils en valent bien d’autres. Il semble toutefois que la Chine mérite de fixer davantage l’attention. Ce vaste empire possède d’immenses ressources qui dorment encore délaissées, et une population intelligente et laborieuse qu’entrave seulement un gouvernement arriéré, dont nous avons cru devoir retarder la chute. Au Japon, le commerce extérieur se répartit d’une manière plus uniforme, on compte plusieurs bonnes maisons françaises à Yokohama ; mais elles ne suffisent pas même à l’exportation dirigée sur la France.

M. Siegfried termine son livre par des réflexions fort judicieuses sur le rôle que la France pourrait jouer dans l’extrême Orient. Parmi les meilleurs moyens auxquels on pourrait recourir pour développer nos relations avec ces pays, il signale la fondation d’écoles supérieures de commerce qui prendraient vers l’âge de seize ans des jeunes gens dont l’instruction serait déjà faite, et leur enseigneraient les langues vivantes, la géographie, la tenue des livres, les mettraient au courant des usages et des ressources des différens pays, leur donneraient au moins quelques notions d’économie politique et de droit commercial. Ainsi disparaîtrait l’obstacle le plus grave au développement de nos affaires extérieures.

Les récits pittoresques de M. le comte de Beauvoir nous révèlent l’avènement d’un troisième monde, d’une Europe nouvelle qui se développe à vue d’œil dans les parages de l’Océan-Pacifique. L’immense continent de l’Australie, la Tasmanie, la Nouvelle-Zélande, deviennent des centres de civilisation qui ont sur nous la supériorité d’institutions libres et de mœurs pacifiques. Un préjugé encore très répandu veut que l’Australie ne soit toujours qu’une colonie pénitentiaire de l’Angleterre et un refuge d’aventuriers qui y vont à la recherche de l’or. On se figure volontiers