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pur sang. Ils sont industrieux, bons marins à l’occasion, s’adonnent volontiers à la culture et à l’élève des bestiaux. On en fait des employés subalternes de la colonie, on leur confie les grades inférieurs de l’armée et de la marine ; laissés à eux-mêmes, ils s’abandonnent à l’ivrognerie et à leurs instincts barbares ; contenus par une discipline étroite, ils se conduisent bien. On peut voir en eux le germe d’une race intermédiaire qui sera capable plus tard de mettre en valeur les richesses du pays.

En quoi consistent ces richesses ? Une telle contrée est-elle en état de produire autre chose que ce que les Russes en exportaient annuellement ? La compagnie à laquelle le gouvernement impérial avait concédé le privilège de commercer dans ces parages tirait son principal bénéfice de la vente des fourrures et des fanons de baleine. Elle n’avait jamais fait de bonnes affaires et ne se soutenait qu’à l’aide des subventions accordées par le gouvernement. russe. Elle avait créé sur cet immense territoire quinze ou vingt comptoirs dont les principaux étaient Sitka, Kodiak, Saint-Michel près de l’embouchure du Youkon et Analaska. Non contente d’acheter les dépouilles qu’on lui apportait volontairement, elle prenait à son service des indigènes, les approvisionnait d’armes et de munitions, et les dressait à la chasse sous la direction d’un de ses officiers. Le littoral fournissait des phoques en abondance ; seulement la peau de cet animal n’a qu’une médiocre valeur. A l’intérieur des terres, le renard argenté et le renard noir donnent les fourrures les plus recherchées. Par malheur, ces bêtes sont assez rares et disparaissent de plus en plus des districts que fréquentent les trappeurs. Le pays était autrefois si peuplé de ces précieux animaux que la compagnie de la baie d’Hudson y avait établi un fort, au confluent du Youkon et du Porcupine, sans exciter la jalousie des Russes. Ces fourrures ne viennent guère en Europe, bien qu’une marchandise de ce genre puisse supporter un long voyage ; le commerce les dirige de préférence sur la Chine, d’où l’on rapporte du thé en échange.

La compagnie russe se livrait aussi à la péché. Nul océan n’est plus poissonneux que le Pacifique du nord. Le poisson sec est la base de l’alimentation des indigènes, qui en nourrissent même leurs chiens pendant l’hiver. La morue se montre, comme à Terre-Neuve, en bandes considérables. On rencontre des baleines dans les parages des îles aléoutiennes, quoique les marins aillent les chercher de préférence au-delà du détroit de Behring. Le saumon est en telle abondance qu’après une tempête on en voit d’énormes quantités jetées sur la plage, où ils se putréfient sans que personne en profite. Au reste, la glace elle-même, qui est assurément le produit le plus