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toutefois qu’il y a là trois puissances distinctes, puisque la compagnie de la baie d’Hudson, quoiqu’elle ne soit qu’une simple association de capitaux privés, conserve une existence indépendante sous la protection de la couronne d’Angleterre. Nous avons dit plus haut quelle fut l’origine de la compagnie de la baie d’Hudson, et comment les serviteurs de cette société aventureuse s’étaient avancés de poste en poste jusqu’aux Montagnes-Rocheuses, où ils rencontrèrent les chasseurs russes. Les actionnaires héritiers du prince Rupert et de ses associés conservèrent sans trouble pendant longtemps les privilèges qu’une charte de Charles II leur avait accordés. Durant tout le cours du XVIIIe siècle, ils se partagèrent des dividendes de 70 et 80 pour 100 par an. Personne ne songeait à les déposséder. Les immigrans en quête de nouveaux territoires à coloniser n’avaient à cette époque que l’embarras du choix ; en général, ils préféraient s’établir à proximité de l’Atlantique et ne pas s’éloigner des latitudes tempérées ; le nord-ouest, affligé d’un climat rigoureux, avait la réputation d’être inaccessible et impropre à la culture.

En ce même temps (1763), les colonies que des Français avaient créées sur les bords du fleuve Saint-Laurent, au Canada, tombaient en la possession des Anglais par le traité de Paris. Quoique les colons canadiens fussent surtout des agriculteurs, il se trouvait aussi dans cette province des négocians énergiques et entreprenans auxquels la prospérité des chasseurs de fourrures faisait envie. C’est alors que fut créée la compagnie du nord-ouest pour faire le commerce des pelleteries avec les Indiens. Inspirés par le mobile tout-puissant de l’intérêt personnel, les fondateurs de cette nouvelle association luttèrent avec persévérance contre leurs plus anciens rivaux. Ils pénétrèrent plus loin que l’on n’avait coutume d’aller, franchirent les Montagnes-Rocheuses, et se montrèrent sur la côte du Pacifique, dans les districts alors peu connus qui sont devenus depuis l’Orégon et la Colombie britannique. Les explorateurs auxquels ils confiaient la rude tâche de découvrir de nouveaux terrains de chasse ne se laissèrent arrêter ni par les sommets déserts et stériles qui constituent entre les 110e et 120e degrés de longitude l’arête dorsale du continent américain, ni par les glaces de la zone arctique. L’un d’eux, sir Alexander Mackensie, suivit le cours d’un fleuve jusqu’à l’océan boréal ; un autre, M. Fraser, parcourut le bassin de la rivière où longtemps après les fameux champs d’or de Caribou ont attiré tant d’aventuriers. Par malheur, les compagnies rivales ne dépensaient pas toute leur activité en échanges avec les natifs et en explorations géographiques ; la lutte prenait quelquefois un caractère moins pacifique ; les Indiens, excités par les