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CHRYSOSTOME ET EUDOXIE.


universelle. En ne négligeant point les moyens d’influence, on arrivera, la cour aidant, à un résultat dans lequel la dignité du souverain ne sera point compromise, et Jean, condamné deux fois par un tribunal ecclésiastique pour des faits ecclésiastiques, n’aura plus qu’à aller mourir en exil, à moins que l’impératrice ne trouve bon de le rappeler encore. » Cette proposition semblait trancher toutes les difficultés, elle écartait du moins les plus graves ; l’empereur l’adopta, et fit préparer les lettres de convocation. On pensa qu’il y aurait avantage à tenir le nouveau synode à Constantinople, sous la main d’Augusta, qui encouragerait ou effraierait les évêques, et aussi pour que Jean n’eût point à se plaindre, comme il l’avait fait antérieurement, d’être enlevé à la juridiction de son siége. On comprenait sans doute la faute qu’on avait commise en transférant le premier concile à Chalcédoine, hors de l’action de la cour, et laissant l’accusé maître en quelque sorte de Constantinople.

Pendant le cours de ces délibérations, et principalement quand il s’agit de la convocation du synode, le nom de Théophile se trouva dans toutes les bouches. Ce patriarche d’Alexandrie paraissait un rouage indispensable dans une entreprise ecclésiastique ayant pour but de renverser Chrysostome. Il avait été l’âme du concile du Chêne ou, pour mieux dire, le concile du Chêne tout entier ; il l’avait composé de ses affidés ; il en avait tracé le plan, conduit les discussions, dicté les décrets. Pour ceux qui l’avaient vu à l’œuvre, qui avaient apprécié dans l’action ce génie fécond en ressources qu’aucun incident ne démontait, qu’aucune vérité ne confondait, qui, s’appuyant tour à tour de la fourbe et de l’audace, tour à tour souple et impérieux, séduisant et menaçant, entraînait le commun des évêques par la subtilité de ses argumens ou par la crainte de ses vengeances, Théophile était un homme dont on ne pouvait se passer dans l’assemblée qui se préparait. D’un autre côté, quand on songeait à son peu de courage, aux terreurs qu’il avait montrées lorsqu’une poignée de gens du peuple le cherchait pour le noyer, on pouvait affirmer qu’il ne viendrait pas. Les évêques lui écrivirent, en dehors de l’encyclique de convocation, une lettre particulière ainsi conçue : « Théophile, viens pour être notre chef, et, si tu ne le peux absolument, mande-nous ce que nous devons faire. » Théophile répondit par des excuses qu’il cherchait à rendre acceptables à l’impératrice et à l’empereur ; « qu’il ne pouvait s’absenter d’Alexandrie encore une fois sans manquer à son devoir d’évêque et au désir de son peuple, déjà très mécontent, et qui se soulèverait sans aucun doute, s’il essayait de partir. « Il ajoutait d’autres raisons encore ; « mais ce n’était pas cela qui le retenait, dit l’historien que nous citons : c’était la peur, » car il avait toujours présente à l’esprit cette terrible journée où il s’était sauvé avec ses