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les églises, et Dieu vous en tiendra merci, lui qui fait toujours tout pour la paix des siens. Nous avons écrit les mêmes choses à Vénérius de Milan et à Chromatius d’Aquilée. Adieu dans le Seigneur ! »

Ainsi que le disait Chrysostome dans sa lettre, quatre évêques de la minorité du concile, Démétrius de Pessinunte, en Galatie, Pansophius de Pisidie, Pappus de Syrie, Eugénius de Phrygie (on ignore le nom de leurs églises), s’étaient chargés de porter en Italie les trois ampliations de l’appel de l’archevêque, et il avait été convenu que les diacres Paulus et Cyriacus les accompagneraient au nom du clergé fidèle. On avait décidé en outre que la petite ambassade ne prendrait point la route de terre par crainte des embûches des évêques et des violences des magistrats ; quoique la route de mer fût plus longue et plus fatigante, elle fut préférée comme plus sûre. Les envoyés se procurèrent donc comme ils purent un navire en partance pour l’Occident, et après y être montés secrètement ils cinglèrent joyeux et pleins d’espérance hors des eaux de Constantinople.

Pourtant, quelque diligence que Chrysostome eût mise à se concerter avec ses amis et à rédiger son appel, il avait été devancé à Rome par la haine de Théophile. À peine le patriarche d’Alexandrie avait-il connu le second décret qui maintenait la déposition de son rival et le mettait hors de l’église, qu’il s’était hâté d’en donner avis au pape Innocent, pour que celui-ci rompît immédiatement sa communion avec le condamné. Il avait à cet effet dépêché un lecteur d’Alexandrie, porteur d’une lettre par laquelle « le pape Théophile (c’est la formule dont se sert l’historien) avertissait le pape Innocent » de ce qui venait de se passer à Constantinople. Cette lettre, d’un ton impérieux jusqu’à l’insolence, ressemblait plutôt à une sommation qu’à un avis. Théophile y disait qu’il avait déposé Jean sans expliquer avec qui, pour quelle cause et de quelle façon, comme si c’eût été un acte de sa seule et suprême volonté. Innocent, en lisant cette lettre, fut étrangement surpris, se plaignit de l’arrogance des termes, et ne répondit pas. Il y avait alors à Rome un diacre de Constantinople nommé Eusébius, qui s’y trouvait pour quelques intérêts de l’église d’Orient. Ayant su ce que Théophile avait écrit à Innocent, il courut présenter à ce pape une requête où il le conjurait de ne rien précipiter, de ne point fixer encore son opinion sur les événemens dont on l’entretenait, attendu qu’il en aurait bientôt plus ample connaissance : effectivement Démétrius et ses compagnons arrivaient à Rome trois jours après.

Les lettres apportées par ces évêques et les explications qu’ils purent y joindre révélèrent au pape Innocent la profondeur de