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pratiques, le christianisme et la liberté, le christianisme et la morale, le christianisme et la science, la vie chrétienne. Dans ce dernier volume, M. Guizot revient à son point de départ : le christianisme a besoin de la liberté ; la liberté a besoin du christianisme. M. Guizot, qui n’a pas craint de défendre en beaucoup de circonstances la cause de l’église catholique, se croit aussi le droit de signaler dans la conduite de cette église ce qu’il appelle « un certain manque de clairvoyance religieuse autant que de prudence politique, » et il reconnaît que, « tant que le gouvernement de l’église n’aura pas accepté et accompli cette œuvre de conciliation, les amis de la liberté auront sujet et raison de se tenir envers ce gouvernement dans une réserve vigilante, au nom des principes moraux et libéraux qu’il désavoue. » Cette défiance toutefois n’est autorisée qu’envers une seule église. Depuis longtemps, le protestantisme s’est mis d’accord avec les principes de la société moderne, et d’ailleurs l’église catholique elle-même, si elle est bien inspirée et si elle suit les conseils de ses vrais amis, de ses plus généreux adhérens, se hâtera de faire disparaître les causes de cette fâcheuse défiance en s’alliant hardiment et librement avec l’esprit nouveau.


II

Pour suivre l’ordre même des idées de M. Guizot, et pour commencer par la pensée qui est la première et la dernière de son livre, disons quelques mots de cette réconciliation espérée et désirée par l’auteur entre l’église et la liberté. On ne peut qu’approuver ce noble désir, et nous ne sommes pas de ceux qui, par haine du christianisme, espèrent et souhaitent qu’il reste en hostilité déclarée avec les principes de la société moderne dans la pensée qu’on en aura plus aisément raison. Notre société est assez large pour tout contenir, et le catholicisme lui-même y pourrait vivre à l’aise, s’il le voulait. Le voudra-t-il ? Voilà la question.

Sans doute nous savons que quelques-uns des esprits les plus éclairés de notre temps font tous leurs efforts pour engager l’église dans cette voie de liberté et de progrès, dans cette voie de réconciliation avec les principes fondamentaux de l’esprit moderne. Nous croyons que des cœurs chauds et purs, (car pour nous tous les catholiques ne sont pas des hypocrites ou des inquisiteurs) se consacrent à cette œuvre de salut ; mais qu’importe, et quelle valeur peuvent avoir ces efforts purement individuels ? Ces hommes, si éminens qu’ils soient par l’esprit et le caractère, que sont-ils dans l’église ? Ils ne sont rien, absolument rien. Ils ne sont pas même ce que sont nos électeurs sous notre régime réglementé de suffrage universel.