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en a deux essentiellement distincts, et, jusqu’à nos jours du moins, profondément hostiles : l’un qui admet entre Dieu et l’homme des intermédiaires sacrés, représentans immédiats de la Divinité, et qui soumet le sens propre et la conscience religieuse de chacun à une autorité infaillible ; l’autre qui supprime de tels intermédiaires, ne reconnaît d’autre autorité que l’Écriture, et donne à chaque individu le droit absolu de décider en matière de foi ? On sait de plus qu’indépendamment de cette différence fondamentale il y a des différences de dogme ou de pratique importantes entre les deux églises. Pour n’en citer qu’une seule, ce n’est pas une petite différence que celle qui consiste à admettre ou à rejeter la présence réelle et la confession.

Lorsque M. Guizot nous parle de la supériorité du christianisme sur la philosophie, nous avons donc le droit de demander : De quel christianisme est-il question ? Il montre en effet une telle impartialité entre les deux églises, il emprunte si souvent ses exemples à l’église catholique, on sait en outre qu’il s’intéresse si vivement à la question la plus pressante de l’église catholique au temps où nous sommes, que l’on ne peut pas considérer son livre comme plus protestant que catholique. D’un autre côté, il est clair que ce livre n’a pas un caractère dogmatiquement catholique. Évidemment l’auteur veut nous laisser le choix entre les deux églises, et, pourvu que l’on soit chrétien, peu lui importe comment on l’est. Son christianisme est une moyenne entre les diverses églises-chrétiennes ; c’est un minimum de christianisme dont il se contente pour échapper au rationalisme.

C’est ici qu’on ne peut s’empêcher d’arrêter l’illustre penseur. Quand il s’agit d’opinions humaines, d’écoles philosophiques, de partis politiques, je comprends très bien que l’on prenne une moyenne entre des doctrines diverses, que l’on puisse s’entendre sur un minimum d’opinions dans une profession de foi. Dans le domaine de la vérité relative ou humaine, il y a du plus et du moins, du vrai et du faux, du certain et de l’incertain ; il y a à prendre et à laisser. Le domaine de la religion est d’une tout autre nature ; c’est la vérité absolue. Il n’y a qu’une vraie religion, il n’y en a pas deux. On ne peut pas être chrétien en général ; il faut être ou catholique ou protestant. Si l’une des églises est dans le vrai, l’autre se trompe, et réciproquement. Dira-t-on qu’il faut laisser les querelles dans l’ombre parce que le temps n’est pas opportun ? Je le veux bien pour ceux qui ont fait un choix, et qui savent à quoi s’en tenir ; mais ceux que l’on veut ramener, car je suppose que l’on n’écrit pas pour les convertis, ceux que l’on appelle de la philosophie au christianisme, ont le droit de dire : A quel