jusqu’aux divertissemens. Aussi avait-il créé un département des menus-plaisirs dont il avait confié la direction à son compagnon de fortune, le comte de Brandt. De concert avec lui, il s’étudiait à introduire sans cesse à la cour de nouveaux amusemens ou à renouveler l’aspect des anciens. La chasse, cet antique divertissement des adorateurs d’Odin, n’avait jamais cessé d’être en honneur à la cour de Danemark ; mais Struensée avait augmenté l’éclat des chasses royales en déterminant la reine à monter à cheval, chose inconnue jusque-là pour les femmes, et à y prendre part. On vit l’imprudente Mathilde, revêtue d’un habit d’homme, galoper côte à côte avec Struensée dans les allées des bois. En même temps on faisait venir des acteurs de France et des chanteurs d’Italie. A la cour, on jouait Zaïre. Christian représentait Orosmane. On affublait Reverdil du rôle de Nerestan, et quand il s’agissait ensuite de tramer la perte du seul favori honnête que Christian ait jamais eu, on persuadait à Orosmane que Nerestan s’était raillé de son jeu. On introduisait également à la cour l’usage italien des bals masqués, qui faisaient fureur en Europe, et, mêlant les affaires aux plaisirs, on se servait de la liberté qui régnait dans ces bals pour ourdir mystérieusement des complots. Struensée ne négligeait pas de faire participer le peuple à ces divertissemens : divertir les sujets du roi et, suivant ses ennemis, les corrompre était un des principes de sa politique. Pour y parvenir, il obtenait qu’à certains jours les jardins royaux fussent illuminés et ouverts à tous ceux qui voudraient y entrer en masque. On établissait aussi dans ces jardins une banque de pharaon dont les profits devaient, il est vrai, revenir à l’hospice des enfans trouvés ; objet de la sollicitude constante de Struensée, mais où le menu peuple n’en venait pas moins perdre en quelques minutes le fruit de ses épargnes. Aussi la misère la plus profonde régnait-elle à Copenhague, et le spectacle de cette misère, dont on se plaisait à rendre Struensée responsable, paraissait encore plus choquant à côté des folles prodigalités de la cour. Rien ne pouvait cependant enlever à Christian l’admiration de Voltaire, qui, s’il aimait fort les rois qui font des vers, aimait encore davantage ceux qui débitaient les siens. Aussi Christian, lui ayant envoyé quelque argent pour les Calas, recevait-il de lui les vers suivans :
- Pourquoi, généreux prince, âme tendre et sublime,
- Pourquoi vas-tu chercher dans nos lointains climats
- Des cœurs infortunés que l’injustice opprime ?
- C’est qu’on n’en peut trouver au sein de tes états.
La catastrophe de Struensée transforma subitement l’aspect de