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autour de ses chaires des jeunes gens de toutes les parties du monde hellénique ; elle compte plus de douze cents étudians, répartis entre les sciences, les lettres, le droit et la médecine. Ce foyer de lumière rayonne de tous côtés.

L’état fait-il ce qu’il peut pour entretenir et améliorer l’enseignement public ? Il est certain que jusqu’à ce jour il a fait peu de chose, et qu’il a, comme tant d’autres, donné à la guerre des ressources qui eussent été mieux employées autrement. Là-dessus, je ne sais trop ce que l’Europe pourrait reprocher aux Hellènes ; mais chez eux, comme dans tout l’Orient, l’initiative privée est fort généreuse : elle fonde les établissemens, elle les dote, elle construit les édifices où ils doivent être installés. En ce moment, on en élève ou on en achève dans Athènes qui auront coûté plusieurs millions. Cependant on ne peut pas espérer que les particuliers ou les sociétés connues sous le nom d’hétairies feront toujours les frais de l’enseignement ; il est de toute nécessité que l’état se mette en mesure de remplir son devoir, qu’il règle ses comptes avec les professeurs et les maîtres, qu’il rouvre les établissemens que le dernier ministère avait fermés par une mauvaise économie, et qu’il en crée de nouveaux. Il y est d’autant plus obligé qu’il a la haute main sur toute l’instruction publique et qu’il en est le directeur effectif : c’est lui qui fait ou autorise les programmes pour toutes les écoles ; son autorité en cela est si grande qu’elle s’étend jusque sur l’enseignement ecclésiastique. Il y a aux portes d’Athènes une maison tenue par des prêtres et où s’enseigne la théologie ; les élèves y portent le costume sacerdotal ; c’est une sorte de grand séminaire. Or les programmes y sont donnés par le ministre de l’instruction publique, ses inspecteurs y font des tournées, sans que le clergé songe à s’y opposer en aucune manière. Cette puissance de l’état, qui est soumis à une constitution où la liberté des cultes est proclamée, donne à la Grèce une position excellente, que de grands peuples, plus avancés qu’elle en beaucoup de choses, pourraient envier. Cette puissance s’exerce sans conteste, et, se rencontrant dans une société où la religion n’est point centralisée, peut avoir sur l’avenir de la nation la plus heureuse influence.

C’est une des choses que les Grecs ont le mieux comprises du jour où ils ont été maîtres d’eux-mêmes. Ils ne savaient certainement pas que l’Arya l’emporte sur toutes les autres races par son développement intellectuel, qui n’a d’autres limites que celles de la vie ; mais, Aryas eux-mêmes, ils ont toujours eu le sentiment de leur supériorité en face des races asiatiques et septentrionales. S’instruire est pour eux le signe qui doit distinguer un Hellène d’un musulman. Ils ont donc couru avec passion aux écoles : le