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souper à la Maison d’Or avec une femme très à la mode dont le père est cocher de fiacre et le frère forçat. Quelle différence entre ces deux faits, entre ces deux hommes ? Aucune ; la moralité est la même, les passions sont pareilles ; sauf le milieu, tout est semblable.

Un Vieux proverbe dit : généreux comme un voleur, et le proverbe a raison. Le voleur qui entasse et thésaurise est une anomalie qu’on ne rencontre que chez certains juifs receleurs. Dès qu’un malfaiteur a fait un bon coup, il distribue l’argent à tort et à travers, il paie ses dettes, habille ses camarades, invite tout le monde à partager sa bonne fortune ; il a le cœur sur la main, comme on dit, et ne sait rien refuser. Le premier soin qu’eut Firon après avoir assassiné la servante de M. de Tessan et volé avec effraction dans le domicile de ce dernier, ce fut d’acheter des bonbons pour la fille de sa maîtresse. Comme ils sont l’objet d’une surveillance perpétuelle, ils se dénoncent eux-mêmes par ces excès de dépenses qui sont pour eux une sorte d’invincible besoin, et ils tombent promptement dans les mains de la police. Ils se savent toujours traqués ; le vol commis aujourd’hui peut amener leur arrestation dès demain ; ils se hâtent de jouir et de jeter à la débauche le temps que la prison leur laisse encore. Ils sont en outre vaniteux ; ils aiment à se vanter de l’énergie, de l’adresse qu’il leur a fallu déployer pour fabriquer telle affaire, et si l’on doute de leur assertion, ils montrent, ils donnent l’argent volé pour bien prouver que le vol a réussi. Ils se désignent aussi par un changement subit de costume ; ils aiment les couleurs éclatantes, les bijoux voyans, et s’en parent aussitôt qu’ils peuvent ; quand ils sont pauvres et demi-nus, qu’ils n’ont point trouvé l’occasion d’un méfait de quelque importance, ils achètent à bas prix dans des boutiques de rencontre la première défroque venue qui les met du moins à l’abri de la pluie et du froid. Il est une sorte de hangar tout rempli de guenilles, qu’ils appellent la confection, et où ils vont plus volontiers qu’ailleurs choisir des bardes de hasard ; ce magasin est situé à la limite de l’ancien Paris, dans un quartier fort mal hanté, et se distingue par une pancarte sur laquelle on peut lire : Aux deux drapeaux ; le père Bigolo habille un homme des pieds à la tête pour 1 fr. 90 cent. Bien souvent c’est l’attrait de la toilette, — et quelle toilette ! — qui entraîne les femmes au crime. Dans la nuit du 21 au 22 septembre 1846, une veuve nommée Mme Dackle, assez riche, fut assassinée rue des Moineaux, n° 10. Après bien des recherches pénibles et infructueuses, on finit par s’emparer de tous les coupables, parmi lesquels figurait une femme Dubos. Quand on lui demanda pourquoi elle avait aidé au meurtre, elle répondit