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tard, ne retentisse pas encore une fois ici sur les ruines de l’empire ! Un seul exemple vous montrera la différence entre l’esprit qui règne ici et aux bords du Tibre. Tandis que nous parlons d’abolir la peine de mort, on vient de canoniser là-bas un inquisiteur tout couvert du sang des victimes qu’il avait immolées parce qu’elles adoraient Dieu à leur manière, Pedro Arbuez. » Dans ces vives paroles, on voit éclater cet antagonisme si bien caractérisé par le père Félix dans l’un des sermons que nous citions dernièrement. On comprend aussi que ce sentiment a sa source dans le patriotisme même qui anime l’orateur. Il est d’autant plus hostile à l’influence ultramontaine qu’il aime plus son pays.

Le discours de M. Berger, député de la Basse-Autriche, vint jeter un jour nouveau sur les combinaisons qui amenèrent les grands événemens de 1866. « J’ai eu l’occasion, dit-il, de pénétrer quelques-unes des vues mystérieuses qui ont présidé à la conclusion du concordat. Le but politique de ce traité avec Rome était de placer l’Autriche à la tête d’une ligue compacte des états catholiques de l’Allemagne du sud, afin de faire équilibre à l’influence de la Prusse protestante dans le nord. Au fond, c’était la même idée qui avait donné naissance à la guerre de trente ans. Nous avons vu quel a été le succès de la ligue ultramontaine. Les Bavarois catholiques nous ont abandonnés, tandis que les Saxons protestans se sont fait tuer à nos côtés à Kœnigsgraetz avec le plus grand courage. L’appui de l’église devait assurer notre triomphe, et il n’a fait que préparer notre défaite. » Cette curieuse révélation du Dr Berger est conforme à tous les faits connus. Sans prévoir une lutte prochaine avec la Prusse, encore mal remise de l’humiliation d’Olmütz, les auteurs du concordat avaient certainement pour but politique de fortifier la situation de l’Autriche en lui assurant dans tous les pays le concours des forces cléricales. Elles ne lui ont pas porté bonheur.

Le docteur Mühlefeld, député de Vienne, s’était mis déjà depuis plusieurs années à la tête du mouvement anticoncordataire. Sa plume et son éloquence avaient servi d’interprète à tous ces vœux d’émancipation qui fermentaient dans les populations de toutes les grandes villes. Au sein du Reichsrath, il réclama l’introduction du mariage civil tel qu’il est établi par la législation française. Il n’eut pas de peine à montrer que les dispositions proposées ne sauvegardaient pas suffisamment la liberté et la dignité des futurs époux. Si le mariage ne peut être célébré devant les autorités civiles qu’exceptionnellement, après que le refus du curé aura été constaté par deux témoins, il est évident que des unions de ce genre et ceux qui les auront contractées seront mal vus de leurs concitoyens. C’est le moyen de déconsidérer sûrement le mariage civil, et de le faire regarder, ainsi qu’on le fait à Rome, comme une sorte de