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immédiat. Les inconvéniens, les dangers éloignés qui y sont attachés, leur échappent. Ils poursuivent avec une furieuse ardeur telle fin qui, s’ils l’atteignaient, les conduirait à leur perte. Supposons que l’empereur François-Joseph, suivant comme Louis XVI les avis de ses conseillers ecclésiastiques, eût opposé son veto aux lois votées par les chambres. L’église y aurait gagné de conserver le concordat dans son intégrité ; elle aurait en revanche rendu plus violente l’hostilité qu’elle soulève, et l’empereur aurait perdu sa popularité. Si le monarque, pénitent soumis, doit obéir aux injonctions de son directeur de conscience, c’est celui-ci qui sera le pouvoir suprême de l’état. Le vrai souverain sera, non le roi, mais son confesseur. Or le confessionnal, qui était une puissance acceptée et exploitée dans la monarchie absolue, est un rouage non prévu dans le régime constitutionnel. Ceux qui ont inventé et pratiqué cette forme de gouvernement étaient gens qui ne se confessaient pas. Les souverains qui écoutent trop leurs confesseurs risquent de perdre leur couronne. Les exemples ne manquent pas depuis Jacques II d’Angleterre jusqu’à Isabelle d’Espagne. Le veto est un pouvoir exceptionnel, que les peuples peuvent accepter quand il est exercé par le souverain lui-même, ne considérant que l’intérêt de la nation. Si le veto était dicté dans le tribunal secret de la pénitence par un prêtre qui peut n’avoir en vue que l’intérêt du sacerdoce, il serait fort probable que les nations modernes ne s’y soumettraient point. Le régime parlementaire est un mécanisme très délicat et d’origine anglaise. L’introduction d’un mobile étranger emprunté au midi ne manquerait pas de le faire éclater. Que le clergé agisse sur les électeurs par la chaire et le confessionnal, il nuira peut-être à la foi dont il abuse ; il ne fera cependant qu’user d’un droit que les libertés démocratiques garantissent à tous les citoyens. Que par son influence sur la conscience d’un royal pénitent il fasse échec à la volonté nationale, c’est une expérience qu’il deviendra chaque jour plus périlleux de tenter. Heureusement le bon sens de l’empereur François-Joseph, instruit par les leçons des événemens contemporains, épargna l’an dernier cette épreuve à l’Autriche. Si la volonté de la nation régulièrement exprimée par ses mandataires devait fléchir devant le veto d’un père de la société de Jésus, la conclusion qu’on ne manquerait pas d’en tirer, c’est que le confessionnal est de trop dans le régime constitutionnel.


III

Pour compléter l’aperçu des changemens introduits dans les rapports de l’église et de l’état en Autriche, il faut maintenant, après