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qui a hâte de se faire médiatiser, c’est le pays qui au fond, malgré toutes les séductions, montre peu d’empressement à devenir prussien ; c’est la masse du pays qui hésite à entrer bien franchement dans cette voie, au bout de laquelle est une assimilation complète. Ces tendances n’existent pas seulement dans cette partie de l’Allemagne du sud, elles viennent de se révéler avec plus de vivacité dans les élections qui ont eu lieu récemment en Bavière. Le parti national allemand a eu sans doute quelque succès, il compte un certain nombre de représentans dans la nouvelle chambre de Munich ; mais la fraction particulariste garde un ascendant assez marqué. Elle a une majorité décidée, et c’est surtout dans les campagnes qu’elle a trouvé des adhérens dont le vote lui assure une position prépondérante dans le parlement bavarois. Ce sont là des faits dont le chef du cabinet de Munich, le prince de Hohenlohe, ne peut faire autrement que de tenir compte. A l’origine, on le sait, le prince de Hohenlohe était un des premiers à incliner vers la Prusse ; il se montrait assez disposé à accepter tout ce qui unirait l’Allemagne du sud à l’Allemagne du nord, c’est-à-dire à subir une véritable absorption. Aujourd’hui, soit sous la pression de l’esprit public, soit par des considérations européennes, il reprend visiblement son assiette ; il se montre moins porté à aliéner l’indépendance de la politique bavaroise, et voilà même que depuis les élections on agite de nouveau avec une certaine insistance la question de demander dans le parlement l’abrogation des traités militaires avec la Prusse. Il ne faudrait point sans doute s’exagérer ces symptômes, qui s’évanouiraient probablement à la première sommation des circonstances ; ils ont cependant leur valeur, et ils indiquent tout au moins une résistance sourde, permanente, au travail d’unification que la Prusse entretient en se réservant de le pousser à bout quand elle croira l’heure venue.

Ce n’est pas là au reste la seule difficulté que rencontre M. de Bismarck. Pour le moment, le ministre du roi Guillaume a une autre besogne qui ne laisse pas d’être épineuse, le diplomate hardi changé en financier plein de dextérité est aux prises avec le parlement de la confédération du nord pour lui persuader d’accepter des impôts nouveaux dont l’établissement provoque de vives résistances. La situation financière de la confédération du nord justifie sans doute les propositions qui ont été faites ; il y a en effet un déficit assez considérable que le ministre.des finances, M. von der Heydt, veut couvrir par des impôts sur l’eau-de-vie, sur la bière, sur le sucre, sur les papiers de bourse. Le produit de ces impôts serait d’environ 11 millions de thalers, et suffirait amplement pour combler le déficit ; mais c’est ici que la difficulté commence. M. de Bismarck peut éprouver aujourd’hui que, si l’on conquiert la popularité par une guerre heureuse et par des annexions de provinces, on la perd bien vite en demandant des contributions nouvelles, surtout quand on veut imposer ces contributions à des confédérés qui n’ont pas