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s’agit plus que d’en dicter les conditions au lieu de les subir. De là les nouvelles unions, mieux armées que les anciennes, et qui jusqu’ici ont compté plus de succès que d’échecs. De jour en jour, cette marée monte, et on n’évalue pas à moins de 800,000 le nombre des volontaires enrégimentés. Dût-on en rabattre, c’est dans tous les cas une puissance avec laquelle il faut compter.

Dans un pays libre, on nomme les choses par leur nom ; ces unions, et aucune ne s’en cache, sont des instrumens de combat : leur objet est la hausse des salaires, leur moyen la grève. La poursuite se fait à découvert avec une grande sincérité, une grande simplicité ; on ne s’y engage qu’après s’être assuré, par un fonds de réserve, les ressources nécessaires pour soutenir la lutte. Ce fonds se compose d’un droit d’entrée plus ou moins fort et d’une contribution qui varie de 1 penny jusqu’à 1 et même 2 shillings par semaine (5 fr. 45 c, 65 fr. et 130 fr. par an). Presque toujours, il y a égalité dans la contribution ; toujours, en temps de grève, il y a égalité dans le secours. Qu’il soit plus ou moins habile, l’ouvrier verse la même taxe, et, quand il y a lieu, reçoit une part de subside uniforme. Il va sans dire que ces distributions déclinent quand la grève se prolonge, comme les rations diminuent dans une place assiégée. C’est le conseil de surveillance qui décide du taux des secours, un conseil exécutif, élu chaque année en assemblée générale par un vote secret, et qui se compose d’un président, d’un secrétaire et d’un caissier. Le partage des attributions suit d’ailleurs un cours naturel : au conseil, la gestion administrative, les rapports avec les patrons, la conduite des grèves, l’allocation des indemnités, l’admission et la radiation des membres ; à l’assemblée générale, les mesures de salut commun, les appels de fonds supplémentaires, les questions de discipline et de finances où tous les membres ont un intérêt direct. Voilà le type de l’union anglaise, le plus simple et aussi le plus dégagé de servitudes ; l’accès en est ouvert à qui en accepte les charges, sans initiation préalable ni serment mêlé d’imprécations, ainsi qu’il s’en prêtait au moyen âge et jusqu’au commencement de ce siècle. Les formules comme celles des fileurs de Glasgow, qui vouaient les mauvais maîtres à la mort et leurs ateliers à la démolition, ne trouveraient aujourd’hui ni un ouvrier pour les prononcer, ni des dignitaires pour les entendre. Elles n’ont plus de sens.

Maintenant, à ce type d’unions dont le jeu est si simple, il y a des exceptions, entre autres les unions à deux degrés, qui ont à la fois des branches ou loges spéciales en nombre indéfini et un bureau central, composé de délégués, où s’établissent un appel et un contrôle des décisions prises en premier ressort. Il y a aussi des