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prêchant le rapport filial de l’homme avec Dieu, c’est-à-dire, en langage philosophique, l’affinité de la nature humaine supérieure et de la nature divine. En vertu de ses origines et de son histoire, le christianisme n’est point une religion faite, il est une religion qui se fait. L’œuvre de Jésus, comme il l’a si bien dit lui-même, a été une œuvre de semeur. Il a déposé dans la conscience religieuse de l’homme des germes, des dispositions, des principes, celui surtout de notre parenté divine, lesquels ont déjà porté fruit et sont appelés à en porter encore. Ce qui est chrétien en fait de croyance ou de morale, ce n’est pas ce que les chrétiens ont cru ou pratiqué, c’est, ce qui est conforme au principe chrétien. Que M. Vacherot, à propos des considérations qui terminent son ouvrage, nous permette encore d’en appelé à sa propre équité. Il a retracé avec beaucoup de délicatesse le portrait de ce qu’il appelle la femme chrétienne, il en a décrit les charmantes qualités, il en a relevé ce que nous appellerons avec lui les faiblesses et les imperfections ; mais sa femme chrétienne, c’est purement et simplement la femme catholique, et en dehors des pays catholiques personne ne comprendrait un mot à sa description. Je crois pouvoir affirmer à M. Vacherot qu’il est un idéal de femme chrétienne, très chrétienne même qui ne laisse sa conscience à diriger à personne, qui aime la science autant qu’elle peut la connaître, qui voit dans l’accomplissement des devoirs de la famille la plus haute vocation de la femme et qui ne donne dans aucune espèce de superstition dégradante. Si ce n’est qu’elle demande à la religion la force de faire son devoir et sa consolation dans les heures douloureuses, elle ressemble tout à fait à la femme « moderne » de l’éminent philosophe. Lui serait-elle supérieure ? Cela dépend des goûts. D’autre part, je suis de ceux qui trouvent que l’ignorance, la superstitions l’esprit de servitude, ne sont pas plus faits pour la femme que pour l’homme, et si saint Paul a cru en l’infériorité de la femme devant Dieu, je ne suis pas de l’avis de saint Paul, je suis de celui de Jésus, qui a reconnu l’égalité en droits des deux sexes. Il y a diversité, mais non pas infériorité dans leurs vocations sociales respectives. Tout ce qui dans les mœurs et les institutions tend à entraver chez la femme le déploiement de la vie de l’esprit doit être réformé, et sera réformé. Qu’on veuille bien ne pas oublier l’enseignement de dix-huit siècles étudiés ; à la lumière de la critique indépendante et non à la fausse lueur des prétentions cléricales : la loi de l’histoire du christianisme, c’est la réforme continue sur la base de son principe originel, et nous ne sommes qu’à l’aurore des progrès dont il contient le germe. Le principe chrétien ne produit que lentement ses conséquences. Ce n’est pas sa faute, c’est la nôtre ; mais il en est une dont l’heure a sonné de nos jours : tout ce qui est conforme à notre nature spirituelle,