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si ce n’est à créer une incertitude de plus, lorsqu’il eut bien mieux valu laisser de côté tous ces artifices d’une tactique douteuse et aller droit au but sans se séparer un seul instant. En restant unis, les cent seize auraient eu une force d’attraction plus irrésistible ; ils auraient bien plus sûrement entraîné les hésitans de la droite, et ils n’auraient pas fourni ce prétexte qu’on peut leur opposer en leur disant : Commencez par vous mettre d’accord. Les anciens cent seize avaient d’autant plus de raisons de maintenir le faisceau primitif par lequel la cause libérale a triomphé au mois de juillet, que franchement on ne saisit pas bien la différence des programmes publics de ces deux groupes qui s’appellent aujourd’hui le centre droit et le centre gauche. Les uns et les autres veulent toutes les garanties d’un gouvernement libre ; les uns et les autres acceptent les conséquences du régime nouveau. Qu’une loi électorale doive être présentée un jour ou l’autre, est-ce là un motif de scission ? Que le centre gauche propose spécialement de rendre aux trois pouvoirs l’action constituante laissée jusqu’ici exclusivement au sénat, c’est une question sur laquelle on ne peut pas différer sérieusement dès qu’on entre dans la voie parlementaire, et qui doit être tranchée par la force des choses. Où donc est la raison de laisser se prolonger une scission impolitique et dangereuse ? Sait-on à quoi ont servi ces morcellemens ? Ils ont favorisé les tentatives qui se sont faites récemment pour reconstituer l’ancienne majorité. Il faudrait prendre garde de ne pas tout compromettre pour se donner le plaisir de couper des cheveux en quatre. Que les hommes du centre droit et du centre gauche y songent bien : plus que jamais aujourd’hui, ils ont entre les mains les destinées immédiates de la cause libérale en France, et c’est surtout en politique que les occasions perdues ne se retrouvent pas.

Quand les conditions supérieures d’un gouvernement libre seront devenues une réalité définitivement victorieuse pour la France, quand il y aura un ministère et une majorité, lorsque majorité et ministère sauront ce qu’ils veulent et où ils vont, l’heure viendra naturellement où il faudra s’occuper des affaires de cette grande ville de Paris, qui est un état dans l’état. Il le faudra de toute façon, puisque de plus en plus Paris cesse de s’appartenir, puisque c’est le parlement maintenant qu’on voudrait charger de choisir le conseil municipal, de même que c’est déjà le parlement qui, d’après une loi de l’an dernier, doit discuter le budget extraordinaire de la puissante cité. Pour le moment, M. le préfet de la Seine en est à ouvrir, lui aussi, son corps législatif, c’est-à-dire sa commission municipale, et à prononcer son discours de la couronne que plus d’un membre du conseil parisien a du écouter en hochant la tête.

Est-ce le testament de son règne que M. Haussmann a voulu écrire dans son dernier exposé ? On le dirait à l’accent assez mélancolique de certaines paroles. On croirait qu’il a voulu une dernière fois retracer l’ensemble des immenses entreprises dont il a été le promoteur. Les