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foi de ce petit groupe d’hommes entièrement adonnés, à la recherche de la vérité.

Les travaux d’Huyghens suffiraient seuls à jeter un éclat durable sur les débuts de l’Académie des Sciences placé entre Galilée et Newton, Huyghens est à peine inférieur à ces deux grands hommes; son Traité sur le pendule, son Traité sur la lumière, restent parmi les livres qui ne peuvent pas périr et qui jalonnent de siècle en siècle la voie des connaissances humaines. Les astronomes de l’académie naissante se signalèrent aussi par de véritables succès. Picard et Auzout, chargés par le roi de mesurer la grandeur de la terre, perfectionnèrent les méthodes géodésiques en appliquant pour la première fois les lunettes à la mesure des angles. Ce fut aussi Picard qui alla déterminer la position précise de l’observatoire que Tycho-Brahé avait fondé à Uranienborg. On s’occupait alors de construire l’observatoire de Paris, et il importait de fixer avec la dernière exactitude la position relative des deux établissemens pour pouvoir utiliser les travaux de Tycho-Brahé. Picard s’acquitta fort heureusement de cette mission. Il obtint encore dans ce voyage un autre résultat des plus précieux; il ramena de Danemark en France et attacha à l’Académie des Sciences le jeune Rœmer, qui devait le premier déterminer la vitesse de la lumière en observant les occultations des satellites de Jupiter.

Colbert avait toujours soutenu avec un soin intelligent l’académie qu’il avait fondée, plein de prévenances et de ménagemens pour elle, soucieux de ses intérêts et de sa dignité. Après la mort de Colbert (1683), elle trouva dans l’impérieux Louvois un protecteur moins éclairé. Louvois, en accordant sa faveur à l’académie, n’entendait pas la laisser libre de suivre à son gré des recherches d’une pure utilité scientifique; il voulait qu’elle eût toujours en vue les intérêts de l’état et la grandeur du roi. Cette pression administrative froissa et paralysa l’Académie des Sciences. Elle subit d’ailleurs vers cette époque des pertes irréparables; Huyghens quitta la France après la révocation de l’édit de Nantes, sans vouloir profiter des facilités exceptionnelles qu’on lui offrait; Rœmer se retira de même en Danemark, et Picard mourut en 1684. On voit alors l’académie s’effacer et languir; elle abandonne le système du travail en commun qui avait soutenu son zèle ; le laboratoire est déserté, et les procès-verbaux deviennent stériles.

Cet état de choses dura jusqu’en 1699. Une nouvelle organisation donnée alors à l’académie devint pour elle le signal d’une sorte de renaissance. Ponchartrain avait succédé à Louvois comme protecteur de la compagnie; son neveu, l’abbé Bignon, s’en fit donner la direction et mit en vigueur un règlement nouveau. Le nombre des académiciens fut porté de seize à cinquante, dont dix membres ho-