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vit les plus grands noms de l’Europe, les Bernoulli, les Euler, se disputer à l’envi les récompenses académiques et les mériter par des travaux considérables.

L’autorité que l’Académie des Sciences avait acquise lui assurait d’ailleurs de la part de l’administration des subventions spéciales dans les occasions extraordinaires, et elle trouvait ainsi des ressources pour organiser une série d’expéditions lointaines. Cette tâche, il faut le dire, lui était souvent facilitée par le désintéressement et la générosité de ceux de ses membres qui étaient chargés de ces voyages. Une des plus anciennes parmi les explorations scientifiques est celle que Richer fit à Cayenne ; il y résolut plusieurs questions d’une importance capitale ; il y démontra que le pendule qui bat la seconde est plus court dans les régions équatoriales qu’à Paris, et il fournit ainsi les premiers élémens pour déterminer la façon dont la pesanteur varie suivant les latitudes. Dans le même voyage fut calculée la distance de la planète Mars à la terre ; c’était un moyen de fixer le rayon encore inconnu de l’orbite terrestre. Jusque-là les astronomes ne connaissaient que les rapports des distances planétaires, et ils n’avaient aucune idée de la valeur absolue de ces grandeurs. On eut dès lors un terme de comparaison qui établit les véritables dimensions du système solaire.

La double expédition envoyée en Laponie et au Pérou pour mesurer la longueur des degrés polaires est une des plus célèbres dans les annales de l’académie. Bien que les théories de Newton eussent commencé à se répandre en France, on n’était pas encore fixé sur la véritable figure de la terre. Cassini, directeur de l’Observatoire, et beaucoup d’autres astronomes, se fondant sur les mesures données par Picard, prétendaient que les degrés sont plus courts au pôle qu’à l’équateur, et ils en tiraient cette conclusion géométrique, que la terre est un sphéroïde allongé dans le sens des pôles. Fallait-il admettre un résultat si contraire au système newtonien, qui représentait la terre comme un ellipsoïde à pôles aplatis? L’académie résolut en 1735 de faire une vérification solennelle et définitive. Maupertuis partit pour la Laponie, emmenant avec lui Clairaut, Lemonnier et l’abbé Outhier. La Condamine, Bouguer et Godin, accompagnés de Joseph de Jussieu et de Couplet, s’embarquèrent pour le Pérou. L’expédition du nord fut heureuse. Maupertuis revint triomphant en 1738, rapportant les mesures polaires qui, comparées aux mesures prises en France, suffisaient à la rigueur à résoudre la question. Les degrés polaires étaient décidément les plus longs, et la terre était par conséquent un ellipsoïde aplati. Les gravures du temps nous ont conservé le souvenir du succès obtenu par Maupertuis; elles le représentent en costume d’hercule lapon, un bonnet fourré sur les yeux; d’une main, il tient une massue, et de