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pas su faire mieux. Maintenant que nous voyons où le bât nous blesse, nous cherchons à y remédier, nous nous corrigeons. À chaque jour suffit sa peine. Ceux qui s’apercevront après nous de nos défauts entreprendront à leur tour de les faire disparaître. Dès que l’écolier, adulte ou non, est en mesure de le faire sans inconvénient, dès l’instant qu’il est en état d’entendre la forme et le relief, qu’on le mette en présence du modèle en plâtre, de la ronde-bosse ; tel est le vœu exprimé par M. Galichon. Que la nature soit regardée avec sincérité, afin qu’on la rende simplement, comme elle est ; que, lorsqu’on passe à la figure humaine, on ne décompose pas cette figure en un trop grand nombre de lignes droites, sous prétexte de faciliter au-delà du nécessaire la mensuration par les yeux ; qu’on ne croie pas un procédé quelconque indispensable, qu’on apprenne à aller du crayon au lavis, de la ronde-bosse au dessin sur nature ; en un mot qu’on apprenne à l’élève tous les procédés de l’art, mais qu’on s’adresse surtout à sa raison. Des artistes assidus au travail, savans, glorieux, des maîtres, — comme Albert Durer, — ont eu devant leurs regards certains procédés qu’ils ne comprirent point. Ils ne leur avaient pas été expliqués. Albert Durer ne tira pas profit de la perspective scientifique employée à Venise. Elle ne lui dit rien, et il ne sut pas se l’assimiler.

L’orateur blâme les bifurcations anticipées, l’éducation professionnelle avant l’heure, qui nuit au développement des idées générales, les pastiches qu’on réclame souvent des artistes et des écoliers, imitations sans âme, dénuées de tout sentiment d’art. Faire exécuter un programme d’un style particulier avec tous les détails historiques, grec, gothique ou renaissance, n’est-ce pas s’adresser à la raison, pour en substituer l’affectation à toute impression personnelle ? Tous ceux qui sont devenus des maîtres ont commencé par l’étude naïve. La nature est la mère universelle, ils l’ont animée. Elle est supérieure à la tradition ; le summum d’un art national, c’est la nature aidée de la tradition d’un pays.

Dans la même séance, le frère Victoris a proposé que le congrès ne s’élevât pas à des considérations si hautes, à des questions d’art avec lesquelles n’auront jamais rien de commun la plupart des enfans ; ils seront serruriers, menuisiers, charpentiers, charrons, appareilleurs et tailleurs de pierres. Sur quatre cent mille enfans, adolescens ou adultes, qui reçoivent de ses collègues les premiers élémens de l’éducation, il n’y en a pas trois mille qui iront plus loin. L’art, ajoute-t-il, est et sera toujours pour eux un sanctuaire inabordable. Pour notre part, nous croyons que cette idée est erronée, et qu’accepter sans les approfondir de pareilles probabilités, c’est tenir pour résolu un problème qui ne l’est pas encore.