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est résulté une réduction dans le matériel et une économie dans les frais de traction ; on en a profité pour abaisser les tarifs et favoriser le trafic international, et toujours les compagnies sont préoccupées de faire de nouveaux pas dans la même voie. La monnaie est un rail aussi sur lequel glissent les marchandises et le commerce du monde ; il y a le même intérêt à la simplifier et à la rendre uniforme. Le jour où elle sera la même partout, où celle de France pourra circuler en Allemagne et réciproquement, ce jour-là il en faudra moins qu’aujourd’hui.

Ce résultat facile à prévoir est une réponse à ceux qui ne veulent pas de l’étalon unique, et de l’étalon d’or, parce qu’ils le supposent insuffisant pour satisfaire tous les besoins. On peut leur dire que l’économie qui résulterait de l’adoption d’une monnaie universelle serait au moins l’équivalent de la suppression du métal d’argent comme monnaie principale. Du reste, il en est de cette réforme comme de toutes celles qui ont un caractère éminemment fécond ; personne ne peut dire d’avance tous les avantages qu’elle renferme. On sent seulement qu’elle sera très utile, et on s’étonne, en y regardant d’un peu près, qu’elle n’ait pas encore eu lieu. Comment ! les nations se seront entendues pour avoir la même langue diplomatique, les mêmes signaux télégraphiques en mer, à peu près le même code maritime, elles tendent à réaliser la même législation commerciale, et elles n’ont pas encore l’uniformité pour la première, pour la plus indispensable de toutes les choses, pour l’instrument d’échange, pour le signe monétaire, à une époque commerciale comme la nôtre ! Il faut en vérité que les préjugés et la routine soient bien puissans pour l’avoir écartée jusqu’à ce jour ; mais le moment est venu, la réforme s’accomplira, et il n’est plus au pouvoir de personne de l’empêcher. Nous disions tout à l’heure que les bonnes réformes avaient cet avantage de toujours porter plus de fruits qu’elles n’en promettent ; on peut ajouter aussi que, lorsqu’elles sont mises sous les yeux du public et discutées sérieusement, il n’y a plus de résistance qui tienne, elles sont emportées d’assaut. Par conséquent, que tel gouvernement le veuille ou ne le veuille pas, l’unité monétaire est dans les aspirations générales, c’est une nécessité de l’époque, elle se fera. Les systèmes monétaires actuels, avec leurs différences et leurs embarras, sont en contradiction avec les progrès déjà accomplis, avec l’abaissement des barrières de douanes, avec la suppression des passeports, avec les facilités apportées par les chemins de fer ; ils gênent les transactions,, il est temps de les simplifier.


VICTOR BONNET