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constitué, dit M. Stillé, eût été une honte pour la science et l’humanité[1]. » Telles étaient les ressources sanitaires dont le gouvernement des États-Unis disposait en juin 1861, au moment où il appelait 800,000 hommes sous les drapeaux. C’est de cet abîme de misères que la commission entreprit de tirer l’armée, et à force de dévoûment elle y réussit.

Elle courut d’abord au plus pressé. Il fallait combattre l’ignorance des officiers et des médecins. Tandis que des inspecteurs répandus partout faisaient l’éducation des généraux aussi bien que des capitaines, la commission imprimait et distribuait à grand nombre des monographies médicales et chirurgicales sur l’hygiène militaire, la dyssenterie, le scorbut, les fièvres miasmatiques, les amputations, le traitement des fractures, etc., excellens petits traités où l’on avait largement mis à profit l’expérience des chirurgiens anglais et français. A la fin de l’année, le secrétaire de la commission, un patriote dont on ne saurait trop louer le talent et le zèle, M. Frederick Law Olmsted, présentait au ministre de la guerre un rapport général, tiré de quatre cents rapports particuliers ; il y signalait tous les vices du système régnant, et demandait qu’on y apportât un prompt remède. Pour en arriver là, il fallait une réforme radicale ; la commission n’hésita point à la réclamer. Prenant modèle sur l’Angleterre, elle demanda qu’on affranchit les médecins de toute subordination au commissariat, et qu’on fît de la médecine et de la chirurgie un service distinct, ne relevant que du chef d’armée et ayant pour directeur un chirurgien-général avec rang d’officier supérieur. C’était le seul moyen d’en finir avec la routine administrative et de donner enfin sa place légitime à l’art de conserver les hommes. La commission proposait en outre d’établir une inspection permanente et un corps spécial d’inspecteurs chargés d’assurer l’unité du service. Elle demandait qu’on établît des hôpitaux-généraux, disposés suivant les meilleurs modèles, et que la construction de ces asiles comme le commandement des ambulances et la direction des hôpitaux fussent retirés au quartier-maître et confiés aux médecins ; c’était sous leurs ordres que la commission plaçait les infirmiers de tout grade et de toute espèce. En deux mots, c’est entre les mains du médecin, et du médecin seul, qu’elle remettait tout ce qui concerne la santé de l’armée.

Cette proposition hardie excita l’opposition de tous ceux que contrariait la réforme ; mais la commission, soutenue par l’opinion et secondée par les journaux, finit par l’emporter. Le 18 avril 1862, une loi du congrès réorganisa le département médical, et donna

  1. History of the sanitary Commission, p. 93.