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LA
TURQUIE EN 1869

La politique des gouvernemens de l’Europe a réussi à jeter sur l’état présent de la Turquie un voile de couleur changeante qui couvre entièrement la réalité. Un tsar a déclaré le sultan malade ; rien de plus simple que de faire passer les gens pour morts quand on a envie de les enterrer, et là-dessus on s’est demandé s’il ne serait pas temps de lui faire son testament. Peu après, on a fait entendre en plein parlement que les Turcs sont un peuple fort, civilisé et ne différent pas beaucoup des Anglais. L’an dernier, un des politiques les plus perspicaces de notre temps déclarait que la Turquie n’a rien à craindre du dehors, et que tous les dangers pour elle viennent du dedans. Le public, qui ne voit pas les choses par lui-même et que la diplomatie n’a pas précisément pour mission d’éclairer, le public, à force d’entendre les affirmations les plus contradictoires, en est venu à ne rien savoir de sûr ou du moins à ne rien croire touchant les affaires présentes et l’avenir de la Turquie. Je n’ai pas la prétention de prendre parti entre les graves autorités auxquelles je viens de faire allusion ; mais je crois possible, en dehors de toute idée préconçue, d’apprécier exactement les conditions où se trouve ce grand pays et de voir avec quelque clarté comment il pourra d’une part échapper à la mort dont l’empereur Nicolas l’a menacé, et de l’autre atteindre cet état de haute civilisation dont les rivaux de la Russie l’ont gratifié dès à présent.

Il est certain qu’il y a environ trois siècles, l’empire ottoman était le plus puissant état de l’Europe, et à certains égards le plus avancé en civilisation. Le principe d’activité contenu dans le Koran