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blique au Paraguay et qui était encore en vigueur sous le règne du maréchal Lopez.

Quant aux missions fondées par les jésuites, elles étaient, comme on le sait, régies, sous l’administration des révérends pères, par le communisme le plus pur et le plus absolu. Malgré le dégoût que doit nous inspirer un pareil régime, nous ne pouvons pas dire que les Indiens en aient souffert matériellement. Au moins ne connaissons-nous aucun exemple de soulèvement, aucun souvenir d’agitation qui prouve que les populations soumises à ce joug étrange l’aient jamais supporté avec mécontentement. Bien loin de là, tous les témoignages qui ont été rendus sur ce sujet, mais il faut dire que ce sont des témoignages de jésuites, tendent à faire croire que les Indiens se prêtaient facilement au système, et même y jouissaient d’un certain bonheur relatif, surtout quand on le compare à la vie qu’auparavant ils menaient dans leurs forêts. D’ailleurs ils n’étaient pas exploités par leurs maîtres, c’était de l’obéissance et non de l’argent que les jésuites exigeaient d’eux. On les traitait presque toujours comme des enfans, et le reste du temps comme des troupeaux ; mais on employait honnêtement à l’amélioration de leur sort matériel le produit d’un travail qui n’avait rien d’excessif, et dont il n’était rien distrait que ce qui était nécessaire pour payer la capitation et autres impôts levés par le fisc royal. Les missionnaires eux-mêmes vivaient dignement, mais simplement, et, au dire des voyageurs qui ont tout récemment encore parcouru ces contrées, il paraît certain que le souvenir des révérends pères n’y éveille que des sentimens sympathiques. Peut-être aussi les fonctionnaires de la république ont-ils contribué par leur conduite à entretenir ces sympathies. Cependant, soit que cette race des Guaranis ait un caractère tout particulier, soit que ce régime ne fut pas aussi absolument mauvais que nous sommes portés à l’imaginer, il dura longtemps encore après l’expulsion des jésuites, et ne fut aboli qu’en 1848 par le président don Carlos Lopez, probablement avec des intentions fiscales. Son fils avait donc l’avantage d’avoir affaire à une population admirablement façonnée par ses devanciers à l’obéissance, et qui allait donner de cette qualité des preuves merveilleuses en se défendant énergiquement dans ses foyers. C’est la seconde phase de la guerre.


IV.

La plaine dans laquelle le maréchal Lopez attendait les alliés peut être considérée comme un quadrilatère dont les côtés sont figurés à l’ouest par le Paraguay, au sud par le Parana, à l’est et au nord par le Tebicuary, un cours d’eau de moindre importance, qui,