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aujourd’hui peu considérable, ne tarderait pas à le devenir, si une voie de navigation s’établissait sur ces fleuves, car elle est en quelque sorte le port de toute la contrée arrosée par eux. De Bassora, M. Chesney fit voile pour Bushir, en Perse ; mais, chassé encore par la peste, il revint sur ses pas, remonta le Shat-el-Arab jusqu’à Mahommerad, au confluent du Karun, et fît l’exploration de cette rivière, qui vient de l’intérieur de la Perse. Après avoir été volé par son escorte, il arrive à Shuster, ville de 15,000 habitans, renfermant d’importantes constructions, de beaux aqueducs et des canaux souterrains. Bien accueilli par le gouverneur, il put pendant son séjour terminer la carte du cours inférieur de l’Euphrate et l’envoyer à sir Robert Gordon par l’intermédiaire du major Taylor. Tombé malade et craignant la peste, il revint à Mahommerad, puis à Bushir, où il rétablit sa santé sous le toit hospitalier du capitaine Hennel.

Il repart au mois de juillet suivant, traverse la Perse dans toute sa longueur, et arrive à Trébizonde, sur la Mer-Noire, six mois après, c’est-à-dire le 3 décembre 1831. Malgré le froid et la neige, il se remet en route vers le sud, passe le Taurus et revient vers Alep, qui, pour lui, doit être le point central des communications avec l’Inde. Après avoir étudié le port de Séleucie et la-baie d’Antioche, il se rend à Constantinople, d’où il se dirige enfin vers l’Angleterre.


II

Pendant son voyage, le colonel Chesney avait adressé au gouvernement plusieurs rapports, en sorte qu’à son arrivée, et malgré la réforme parlementaire qui alors préoccupait l’opinion publique, il trouva un accueil des plus sympathiques de la part des hommes d’état. Il fut reçu par le roi Guillaume IV, auquel il présenta la carte du cours de l’Euphrate à l’échelle de 2 pouces par mille. Le roi fut frappé de l’importance qu’aurait l’ouverture d’une voie de communication vers l’Inde, aussi bien dans l’intérêt du commerce que pour empêcher les progrès de la Russie dans cette direction et au besoin secourir la Perse, si elle venait à être attaquée par cette puissance. Toutefois les opinions se partagèrent au sujet de la préférence à donner soit à la route de Suez, soit à celle de l’Euphrate, et ce fut seulement en 1834 que le parlement décida qu’on établirait pendant huit mois, à titre d’essai, un service à vapeur entre Suez et Bombay, tandis que d’un autre côté on entreprendrait une nouvelle expédition sur l’Euphrate. Une somme de 20,000 livres fut votée pour cet objet, et la compagnie des Indes y ajouta 5,000 livres.

Le colonel Chesney était le chef naturellement désigné pour commander cette expédition, qui devait être bien autrement importante