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instructions très variées pour la préparation culinaire des champignons, et il est à remarquer qu’il comprend dans cette division du règne végétal la truffe, que certains auteurs considèrent encore comme une excroissance de la nature des noix de galle. Ces détails appétissans sont malheureusement suivis de détails non moins circonstanciés sur les empoisonnemens causés par les champignons vénéneux, et cela jette un froid. Il paraît cependant qu’il n’est pas impossible d’enlever aux espèces malfaisantes leur principe toxique par un traitement approprié. Les paysans de l’Ukraine mangent impunément la fausse oronge et d’autres espèces pour le moins suspectes, après les avoir conservées pendant un certain temps dans le sel. Un autre moyen assez sûr de prévenir les mauvais effets des champignons c’est la macération dans l’eau avec addition de sel et de vinaigre. Les expériences tentées par Frédéric Gérard ont démontré que trois ou quatre heures d’immersion peuvent suffire pour rendre comestibles des espèces très malfaisantes, à la condition toutefois qu’après les avoir retirées de l’eau acidulée on les fasse blanchir dans de l’eau bouillante, que l’on jettera comme la première. On les lave ensuite, on les essuie et on les prépare avec un assaisonnement convenable. Gérard et sa nombreuse famille n’ont pas craint de faire un usage fréquent de champignons vénéneux qui avaient été soumis à ce traitement. La valeur du procédé en question a été constatée par une commission du conseil de salubrité, à laquelle M. Cordier s’était joint et qui a goûté aux mets préparés par Gérard sans en éprouver le moindre effet fâcheux. Ces expériences n’ont d’ailleurs fait que confirmer ce qu’on savait depuis fort longtemps, car la purification des champignons vénéneux par l’eau bouillante est mentionnée dans plus d’un ouvrage ancien. Encore ne faut-il pas accepter ces résultats avec une confiance trop aveugle et croire que les expériences de ce genre soient exemptes de tout danger. On cite des exemples de personnes qui sont mortes après avoir mangé des agarics bulbeux ou des agarics panthères qui avaient été préparés avec des précautions minutieuses, macérés, bouillis, lavés à grande eau, essuyés, mais auxquels on n’avait pas appliqué ce dernier précepte recommandé par Ambroise Paré : « Ainsy accoustrez les faut jeter aux privez. » M. Cordier a pu constater lui-même que le blanchiment ne suffit pas pour détruire entièrement le principe actif de certains agarics, et que les décoctions de noix de galle, de queues de poires et de cerises, d’écorce de poirier, etc., qui sont préconisées par les auteurs anciens, ne garantissent pas non plus des effets toxiques des espèces réputées dangereuses. Dans ces circonstances, le plus sage sera sans doute d’éviter l’emploi des champignons suspects. Le poison de plusieurs espèces est assez énergique pour incommoder ceux qui en respirent les émanations ; plus d’un botaniste a failli être suffoqué pour avoir laissé dans sa chambre à coucher quelques pieds de satyre ou de clathre treillage. Les renseignemens que l’ouvrage de M. Cordier renferme sur ces