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trouvaient un asile assuré. Han-ou-ti, sixième empereur de la dynastie des Han, mit fin à cet état de choses en s’emparant du pays de Tchao-sien, qu’il divisa en quatre provinces dépendantes de la Chine. En même temps il réduisit les deux rois de Lao-chin et de Mimo, dont les terres étaient situées-en partie dans le Set-chuen et en partie dans le Yunan actuels, et conquit la principauté de Tien, qui correspond à la ville de Yunan-sen et à ses dépendances. Toutes les provinces de la Chine ont, à divers degrés, passé par ce travail de lente agglomération, dont il me suffit d’avoir donné un exemple. Sous l’influence des révoltes intérieures ou des nécessités politiques, elles ont toutes subi, avant de s’asseoir dans les limites qu’elles occupent aujourd’hui, des remaniemens fréquens, scrupuleusement consignés dans les longues annales auxquelles je demande la permission de renvoyer le lecteur. Mais ce qui caractérise plusieurs provinces de l’empire, surtout sur les frontières occidentales, c’est l’existence de certaines races singulièrement vivaces, demeurées distinctes en dépit de la conquête et de l’annexion, et dont la langue, les coutumes et même parfois l’autonomie politique ont échappé, au moins dans quelque mesure, aux mortelles étreintes d’une centralisation puissante. Le Yunan mérite, à ce point de vue, une attention particulière. Appuyé au massif de l’Hymalaya, il participe au caractère sauvage de cette âpre nature, qui interdit la mollesse à ses enfans et les protège en même temps par le rempart de ses montagnes. Il faut distinguer parmi les diverses tribus celles qui, se donnant encore le nom de Tou-kia (autochthones), ont sans doute originairement possédé le sol et celles qui descendent d’émigrans volontaires venus plus tard dans le pays, de déportés, ou de soldats ayant renoncé à leurs foyers. Des premiers occupans de ce vaste territoire qui porte aujourd’hui le nom de Yunan, les plus nombreux sont les Lolos et les Pai-y. Les Lolos se divisent en Lolos noirs, Lolos blancs, Lolos rouges et Lolos de rizières. C’est sur la couleur de leurs vêtemens et non sur celle de leur peau que se fondent les trois premières qualifications. La quatrième se comprend d’elle-même. Les empereurs se sont attaché ces peuples en reconnaissant à leurs chefs le rang de mandarins chinois et en leur donnant l’investiture de leurs terres. Les Lolos sont aujourd’hui encore soumis à une sorte d’organisation féodale. Ils ont un chef de leur race qu’ils nomment Toussen, mais on n’aperçoit guère ce qu’ils y gagnent, car ce dernier, ne relevant que du vice-roi de la province, exerce sur ses sujets un pouvoir despotique. Timides, paresseux, intempérans, ceux-ci fuient l’étranger, laissent à leurs femmes le soin de cultiver leurs champs, et cherchent le bonheur dans l’ivresse. Les Pai-y, séparés des Chinois comme les Lolos par leur langage, et même, paraît-il, par les caractères de leur