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côté de l’extrême énergie ; mais ces dons, que nul n’a portés à un plus haut degré, n’ont été peut-être en aucune occasion plus tristement compensés. Auprès des droites inspirations du bon sens- le plus élevé, on vit surgir les puériles fantaisies d’une volonté déréglée ; au milieu des pensées généreuses éclatèrent les colères puériles d’un orgueil insensé, et toute l’œuvre d’une sérieuse et saine politique a été compromise et perdue par l’intervention constante de la ruse et de la violence, fidèles compagnes et complices ordinaires du pouvoir absolu. On ne connaît guère de circonstance où la passion de dominer ait fait plus de tort au génie.

Par un contraste naturel, le débile adversaire d’un césar tout-puissant gagne dans la lutte tout ce que perd celui-ci, et il n’est pas besoin d’une âme fort élevée pour se ranger dans ce combat du côté du plus faible. Il suffirait presque que l’église défendît au fond des intérêts spirituels, c’est-à-dire des idées et des sentimens, pour que tout esprit bien fait prît parti pour elle. Quoi que l’on pense de ces sentimens et de ces idées, la force qui les combat et les opprime a le tort- inexpiable d’être là force, et c’est assez pour qu’elle ait tort. Aussi une vénération traditionnelle s’attache-t-elle à la mémoire d’un humble et doux pontife illustré et rehaussé par ses malheurs. C’est un vieillard respectable, quoiqu’ordinaire ; la nature ne lui a donné ni un grand esprit ni un grand caractère, mais la conscience lui tient lieu de tout cela. Elle prête des lumières à sa raison, du courage à sa faiblesse, et malgré d’humiliantes disgrâces, des illusions, des variations, des fautes même, on se sent près d’admirer, et c’est lui qui est grand.


I

Cependant, si la conclusion de cette histoire est favorable au pontife, il n’est pas sûr qu’elle le soit de tout point au pontificat. Je ne parle pas des erreurs de conduite : qui n’en aurait pas commis, dans une situation aussi compliquée, aussi violente, aussi fausse ? je parle da l’église et de la manière que lui impose sa constitution d’entendre et de régler la tâche auguste qui lui a été dévolue. A la considérer comme un pouvoir obligé en cette qualité d’avoir une politique, on peut assurément la préférer au césarisme ancien ou moderne, à la dictature militaire, même au despotisme héréditaire des monarchies d’ancien régime, puisqu’après tout celle de Rome procède d’une autre origine que la force matérielle, et que son absolutisme temporel est la corruption de sa nature plutôt que sa nature elle-même. Son droit divin primitif n’est pas une fiction de l’orgueil, un insolent mensonge ; elle y croit, et les plus incrédules