Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/547

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
541
REVUE. — CHRONIQUE.

explique pourquoi, dans sa sagesse, Dieu a donné à l’homme deux yeux, deux oreilles, deux bras et deux jambes, tandis qu’il ne lui donna qu’un nez et qu’une bouche. Maintenant, dis-moi la raison pourquoi Dieu… »


UN BON CONSEIL.


Dans tes récits, ne manque jamais de donner aux personnages leurs vrais noms ; si tu n’oses pas le faire, ce sera bien pis : lorsque tu feras le portrait d’un âne, immédiatement se présenteront une douzaine d’originaux à poil gris. « Mais ce sont mes longues oreilles, » criera chacun, « ce braiment, c’est bien ma voix. Cet âne, c’est tout moi ! On a beau ne pas me nommer, l’Allemagne, ma patrie, me reconnaît ! L’âne c’est moi, ya, ya ! » — Tu as voulu ménager un imbécile, en voilà douze qui te boudent !


Les fragmens que nous venons de traduire suffiront pour donner une idée assez juste du ton, parfois effroyablement libre, qui règne dans ce volume publié par les amis de l’illustre poète allemand. L’éditeur nous avertit qu’il a mis de côté, au moins provisoirement, un certain nombre de pièces d’une allure par trop aristophanesque ; à en juger par ce qu’il a laissé passer, ce « provisoirement » paraît assez inquiétant. Parmi les poésies appartenant à la première période d’Heine, on nous donne des essais que l’auteur avait probablement condamnés à ne voir jamais le jour. Plusieurs morceaux sont traduits du français. En résumé, beaucoup d’ivraie ; mais l’on est amplement dédommagé par certaines pages où Heine retrouve la suave harmonie de ses meilleures poésies, où un sentiment profond alterne avec des éclats de rire argentins.



LE JAPON ILLUSTRÉ, par M. Aimé Humbert[1].


L’Europe a commencé d’écarter le voile dont s’enveloppait le monde de l’extrême Orient ; le Japon lui-même, le plus mystérieux des empires de l’est, celui qui défiait le plus obstinément la curiosité des peuples occidentaux, s’est enfin laissé pénétrer. Si le centre de cet étrange pays nous est encore inconnu, nous avons du moins exploré les provinces situées sur les côtes méridionales de la grande île de Nippon, et nos vaisseaux sillonnent aujourd’hui la mer intérieure qui les baigne. La Revue, par diverses relations de voyages[2], a déjà mis les lecteurs au cou-

  1. Librairie de L. Hachette et Ce.
  2. Voir la Revue de mai, juillet, août, septembre 1863.