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hirent la terre des Angles pour se substituer à eux. Plusieurs de ces espèces ne franchirent point le canal de Saint-George. Quelques animaux, le lièvre, l’écureuil, le loir, la fouine, la taupe, sont également limités à l’Angleterre et ne se retrouvent pas en Irlande.

Si toutes les plantes britanniques se rangeaient sous les trois types indiqués ci-dessus : le boréal, l’armoricain et le germanique, la géographie botanique de ce grand archipel n’aurait point d’obscurités ; mais dans le sud-ouest de l’Irlande croissent l’arbousier[1], six saxifrages et trois bruyères[2], végétaux étrangers au nord de l’Europe, communs dans les Basses-Pyrénées et les Asturies. Pour Edward Forbes, la présence de ces plantes est la preuve d’une ancienne connexion géologique entre le sud-ouest de l’Irlande et les terres qui bordent le golfe de Gascogne. Une de ces espèces, le daboecia polyfolia, se retrouve aux Açores, et nous commençons à voir surgir des eaux de l’Océan les premiers linéamens de l’Atlantide de Platon, traitée longtemps de continent fabuleux, mais que la géologie, d’accord avec la géographie botanique, tend à reconstituer. L’existence de ce continent est encore prouvée par la présence de deux autres plantes[3] qui ne se retrouvent que dans l’Amérique du Nord. La première, signalée dans les marais tourbeux de l’île de Skye, en Écosse, et de plusieurs lacs de l’Irlande voisins de la mer, est le seul représentant européen de la famille exotique des restiacées, répandue principalement en Australie, au Cap, à Madagascar, dans l’Inde et dans l’Amérique septentrionale ; l’autre est une orchidée de Terre-Neuve et de tous les états septentrionaux de l’Union américaine. On ne saurait songer à une introduction involontaire par des navires, car ces plantes, toutes deux aquatiques, mais d’eau douce, n’auraient pu être transportées par des courans ni amenées avec du lest par les navires. D’ailleurs d’autres faits analogues vont se présenter à nous et forcer les esprits les plus prévenus d’admettre d’anciennes connexions continentales, que la zoologie, la géologie et la physique du globe confirment de leur côté. Arrivons à quelques autres archipels.

Sur la côte occidentale de l’Afrique, nous voyons quatre groupes insulaires : Madère, les Canaries, les Açores et les îles du Cap-Vert. Le premier, situé par 33 degrés de latitude nord, se compose des îles de Madère, Porto-Santo et Las Désertas. Le voyageur qui débarque à Madère est frappé par la physionomie européenne de la végétation, et ce sont en effet les espèces du midi de l’Europe qui

  1. Arbutus unedo.
  2. Saxifraga umbrosa, elegans, geum, hirsuta, hirta, affînis ; Erica Mackai, mediterranea ; Daboecia polyfolia, Arbutus unedo.
  3. Eriocaulon septangulare et Spiranthes cernua.