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Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 86.djvu/385

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la nourrice un certificat attestant qu’elle est de bonne vie et mœurs, qu’elle a des moyens d’existence suffisans, qu’elle n’a point de nourrisson, que l’âge de son enfant (pour lequel rien n’est spécifié) lui permet d’en prendre un, qu’elle possède un berceau et un garde-feu. Un second certificat, délivré par un docteur en médecine, a pour objet de garantir qu’elle a les aptitudes physiques d’une bonne nourrice. Ces deux certificats sont présentés et visés à la préfecture de police. Enfin, lorsqu’elle retourne dans sa demeure, elle emporte un extrait de naissance de l’enfant qui lui est confié, extrait qui doit être remis, dans les huit jours de son arrivée, au maire ou au commissaire de police. En ce qui concerne les loueurs, logeurs, meneurs et meneuses de nourrices, l’ordonnance défend de placer d’autres nourrices que celles enregistrées à la préfecture, de procurer deux enfans à une même femme, de laisser partir un enfant sans la nourrice qui doit l’allaiter, etc.

Telle est l’ordonnance qui aujourd’hui encore régit cette industrie ; comme le règlement de l’administration des hôpitaux, elle est théoriquement satisfaisante ; par malheur, règlement et ordonnance n’empêchent guère les fraudes. Les nourrices sont tenues de produire un certificat médical attestant leur aptitude à prendre un nourrisson, mais ce certificat leur est délivré par un médecin attaché au bureau, payé par le propriétaire du bureau, et ce n’est pas dans une pareille situation que le médecin doit être placé si l’on veut pouvoir compter sur son indépendance et son impartialité. Quant à la surveillance du nourrisson, dès qu’il est arrivé chez la nourrice, elle est nulle, on peut le dire, car elle n’est faite que par le meneur, qui n’a d’autre intérêt à visiter les enfans et à s’assurer de leur existence que celui de constater son droit à toucher la somme de 1 franc qui lui est attribuée pour chaque enfant. Une pareille organisation, dans laquelle la surveillance est si faible, doit avoir pour résultat d’attirer les nourrices vers les petits bureaux ; aussi, en même temps que l’administration des hôpitaux voit diminuer sa clientèle, celle des petits bureaux augmente. De 1855 à 1859, la moyenne annuelle des nourrices de la campagne placées par les petits bureaux était de 8,038 ; elle s’éleva de 1860 à 1864 à 9,136. Le placement des nourrices sur lieu, qui n’était que de 1,740 dans la première période, dépasse aujourd’hui 2,500.

Les nourrices appartenant à ces deux sortes de bureaux ne sont pas les seules auxquelles les familles parisiennes confient leurs enfans. Il en est d’autres avec lesquelles les parens traitent directement. Ce sont en général des amies, des parentes, des compatriotes de domestiques placées à Paris, et que celles-ci recommandent aux jeunes mères comme des nourrices excellentes, bien que presque toujours elles soient détestables. Affranchies de tout contrôle, ayant