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Pour l’élection des députés au corps législatif, on conçoit que, les aptitudes générales à l’électorat une fois fixées, les aptitudes locales et la condition de domicile soient d’une importance secondaire. Avec la division du territoire en circonscriptions et l’attribution d’un seul député à chacune d’elles, on peut dire que l’élu la représente d’abord ; mais comme l’œuvre du législateur s’applique au pays entier, il est non moins vrai de dire qu’il est le mandataire du pays lui-même. Le mandat local n’est que le moyen, le mandat général est le but. Chaque citoyen vote au lieu qu’il habite parce qu’il faut voter quelque part et qu’on ne peut voter qu’une fois ; mais il n’importe pas essentiellement qu’il réside depuis plus ou moins longtemps dans ce domicile électoral, il suffit qu’un temps quelconque se soit écoulé depuis son arrivée dans la localité.

En est-il de même des élections d’intérêt local ? Les affaires communales ne se font pas toutes au jour le jour, tant s’en faut ; elles embrassent des périodes souvent longues, comme les impositions et les emprunts, les constructions d’édifices publics, voire l’achèvement des chemins. L’intérêt municipal sollicite bien autrement les habitans sédentaires que les hôtes passagers venus de la veille et qui s’éloigneront le lendemain. Un mot, pris souvent en mauvaise part et qui cependant éveille une foule d’idées et de sentimens respectables, caractérise ces intérêts : on les appelle des intérêts de clocher. Si cette distinction est vraie, il y a lieu de s’étonner qu’on n’ait pas senti la nécessité d’exiger des conditions plus rigoureuses de domicile pour les élections communales que pour la nomination des députés. Le seul moyen en effet de protéger les minorités contre la tyrannie du nombre, si dure dans les petites localités surtout, consiste à n’accorder le droit électoral, base de tout pouvoir, qu’aux personnes vraiment intéressées. Cette vérité est bonne à rappeler au moment où l’on veut faire de nouveaux et sérieux efforts pour diminuer les abus de la centralisation. En tout cas, si l’on ne modifie point les conditions de l’électorat municipal pour toute la France, et si la situation exceptionnelle de la capitale justifie un régime exceptionnel, il faudrait exiger de l’habitant de Paris une plus longue résidence que celle de six mois. Un délai de deux ou trois ans ne semblerait pas trop prolongé pour l’investir de ce droit redoutable de peser indirectement, à propos d’intérêts municipaux, sur les intérêts généraux du pays.

Chez un peuple où dominerait l’esprit conservateur, la préoccupation de l’intérêt social, au lieu de ce sentiment contradictoire et irréfléchi qui porte à diminuer les devoirs en multipliant les droits, la première et l’indispensable condition de l’électorat municipal devrait être le paiement de la cote personnelle et mobilière,