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ment, — dans l’examen de toutes les questions qui se produisent à la fois, et ces questions sont sans nombre. Il y a une chose aussi redoutable que de tout refuser, c’est de tout accorder, de se laisser aller au vague des desseins, d’ouvrir une carrière indéfinie. Nous sommes dans un de ces momens d’activité renaissante où l’on éprouve un peu le besoin de reprendre tout par le commencement, — où la politique est d’autant plus obligée de préciser et de mesurer son action, de discerner les vrais points des réformes salutaires, sans se croire tenue d’admettre tout ce qui peut se présenter sous ce pavillon populaire du libéralisme. On a pu le voir l’autre jour dans cette discussion parlementaire qui s’est élevée au sujet des affaires de l’Algérie. Cette question d’Afrique, il y a longtemps qu’elle pèse sur la France ; elle a été l’objet de toute sorte de recherches, de publications, et récemment encore un ancien officier, qui est aujourd’hui colon, M. le comte Charles de Montebello, mettait au jour une étude intéressante, à laquelle il a donné le simple titre de Quelques mots sur l’Algérie. Le gouvernement a multiplié les sénatus-consultes, il en prépare un nouveau. Dans le corps législatif, les harangues se sont succédé. M. le comte Lehon a parlé en homme qui a dirigé l’an dernier une enquête des plus sérieuses. Un jeune député de l’Alsace, M. Lefébure, a fait à cette occasion son début d’orateur avec autant de savoir que d’esprit. M. Jules Favre a plaidé avec éloquence la cause de l’Algérie. M. Émile Ollivier a représenté le gouvernement dans ce débat. En définitive, le régime militaire est justement considéré comme insuffisant, tout le monde admet la nécessité d’un régime civil, et l’idée de rendre à l’Algérie le droit qu’elle a eu en 1848 d’envoyer des députés au corps législatif, cette idée a trouvé une grande faveur.

Rien de mieux comme témoignage de sympathie pour notre France africaine. Seulement en est-on beaucoup plus avancé, et M. Jules Favre lui-même s’est-il demandé si une mesure qui se présente sous un air libéral, l’envoi de députés algériens au parlement, va bien droit au but, et si même cette mesure est la vraie forme de libéralisme appropriée aux besoins et aux intérêts de l’Algérie ? Les colonies anglaises, le Canada, l’Australie, n’ont point de représentation directe au parlement britannique, elles n’envoient point de députés à Londres ; mais elles ont un gouvernement à elles, des assemblées à elles. Ces colonies jouissent de toutes les libertés civiles et même politiques sous la haute suzeraineté de l’Angleterre, et elles prospèrent. Il ne serait point impossible qu’il n’y eût là les élémens d’une solution qui ne serait pas moins féconde pour l’Algérie que pour les colonies anglaises. Il s’agit avant tout, n’est-ce pas ? de créer un vivant et florissant appendice de la France sur l’autre rive de la Méditerranée, de stimuler la colonisation par le développement de la propriété individuelle, par toutes les garanties offertes à la liberté du travail, par l’inviolabilité des droits. Est-ce que des assemblées librement élues, se réunissant à Alger, n’agiraient pas avec une efficacité