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vite, et par conséquent agissent plus brusquement que d’autres sur les projectiles.

En tenant compte de la fréquence des battemens, de l’amplitude des coups d’aile et de la surface de l’oiseau, on arrive également à cette conclusion, que le travail dépensé dans le vol doit être beaucoup moindre que ne l’ont supposé quelques auteurs. Et cependant l’oiseau nous étonne par les prodiges qu’il accomplit : nous voyons les rapaces faire aisément leurs 45 kilomètres à l’heure; le faucon du roi Henri II, qui s’égara pendant une chasse à Fontainebleau, fut pris le lendemain à Malte, ce qui suppose une vitesse d’au moins 75 kilomètres par heure. Les hirondelles ne mettent, dit-on, que huit jours à traverser l’Europe et la Méditerranée. Si l’on se rappelle enfin les oiseaux de mer que les navigateurs rencontrent souvent à plus de 300 lieues de terre, on conviendra qu’un vol aussi soutenu serait inexplicable, s’il était entièrement dû au ressort des coups d’aile. Prenons un exemple numérique. Un pigeon qui pèse 300 grammes peut offrir à l’air une surface de 750 centimètres carrés. S’il fait 8 battemens par seconde, la descente de l’aile dure, d’après M. Marey, 7 ou 8 centièmes de seconde, et, le parcours de la pointe étant de 30 centimètres, on trouve une vitesse moyenne de 4 mètres. Si la surface entière se déplaçait avec cette vitesse supposée uniforme, elle éprouverait une résistance de 110 grammes; mais, comme la vitesse va en diminuant de la pointe de l’aile vers l’attache, la résistance réelle est à peine de 40 grammes. Or, pour vaincre le poids de l’oiseau et pour lui donner une impulsion de bas en haut, il faudrait une pression de 400 ou 500 grammes. Où prendre d’abord cette pression nécessaire? On dira que la forme concave des ailes permet d’augmenter le coefficient de résistance ; mais nous aurons beau le doubler ou le tripler, nous n’arriverons pas à 500 grammes. Il faut donc renoncer à l’hypothèse d’une vitesse uniforme des ailes. Les expériences de MM. Piobert, Morin et Didion nous ont appris que la résistance de l’air est très différente pour une vitesse accélérée, parce que le corps mobile entraîne alors une certaine masse d’air qui lui constitue une poupe et une proue fluides. Les formules montrent que la résistance qui en résulte peut devenir très considérable sans que le travail augmente dans la même proportion. Malheureusement il est presque impossible, dans l’état actuel de la science, d’appliquer avec certitude les données expérimentales au calcul des pressions qui se développent sous l’aile d’un oiseau. Tout ce qu’on peut en conclure, c’est que la loi de la résistance varie énormément avec les conditions dans lesquelles a lieu le mouvement. Il est très probable que l’élasticité de l’aile modifie ces conditions à tel point qu’avant tout calcul il faudra d’abord instituer des expériences spéciales sur la résistance que les fluides