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nales de l’Allemagne un certain déchaînement de la passion d’autonomie, ou pour mieux dire une assez vive réaction contre la prépondérance prussienne. C’est le secret de toutes les coalitions des partis qui se forment, des luttes parlementaires comme aussi des crises ministérielles qui se succèdent. Il y a peu de temps, c’était le président du conseil de Munich, le prince de Hohenlohe, qui était obligé de quitter le pouvoir, vaincu par une majorité aux yeux de laquelle il était suspect de ne point défendre assez l’indépendance bavaroise, de se livrer trop complètement à la prépotence prussienne. Maintenant c’est dans le Wurtemberg, à Stuttgart, que vient d’éclater une crise toute semblable qui a mis à l’épreuve l’ascendant du chef du cabinet, de M. Varnbühler. Dès l’ouverture des chambres, il y a quelques semaines, on avait pu voir se dessiner l’orage qui menaçait le cabinet, et surtout le ministre de la guerre. L’opposition parlementaire, appuyée par de nombreux pétitionnaires, par une agitation extérieure assez vive, engageait surtout la campagne sur le terrain des dépenses militaires et même de l’organisation de l’armée. À Stuttgart comme à Munich, l’on se faisait contre le gouvernement une arme des traités d’alliance offensive et défensive avec la Prusse. On interpellait vivement M. de Varnbühler, qui ne répondait pas, il faut le dire, d’une manière bien nette ; mais c’est surtout à l’occasion du budget que la lutte s’est engagée sérieusement. L’opposition demandait sur les dépenses de la guerre une réduction de 700,000 florins et une réforme de l’armée. Or l’opposition, c’était par le fait la majorité dans la chambre. Au premier moment, le ministre de la guerre, le général de Wagner, soutenu par le roi, a fait quelque résistance ; on a essayé de négocier avec quelques-uns des membres du parti démocratique qui avaient signé la motion sur l’armée. En définitive, on en est bientôt venu à une démission apparente du cabinet pour sortir d’embarras. Quelques-uns des ministres se sont retirés. Le général de Wagner a été remplacé par le général de Suckow, et bien entendu M. Varnbühler est resté plus que jamais à la tête du ministère. Ce changement est-il une concession à l’opinion ou à la chambre ? Ce n’est nullement certain, et voilà justement le côté curieux de la crise wurtembourgeoise. Le général de Wagner était accusé d’être trop prussien ; son successeur, M. de Suckow, l’est encore plus, et le premier acte de M. Varnbühler a été de proroger la chambre au plus vite pour se donner du temps. M. Varnbühler est un habile homme, qui sait manœuvrer entre les partis. Il n’est pas moins vrai, et c’est le seul fait à noter, que dans toutes ces luttes, dans ces émotions, éclate un sentiment énergique, qui pour longtemps encore tiendra l’Allemagne du sud séparée de la Prusse et de l’Allemagne du nord.

Il y a quelques années à peine, la France s’est retirée d’une triste affaire qui a laissé de pénibles souvenirs ; elle a quitté le Mexique, non