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d’aspirations dont il était inutile d’entretenir les chambres, puisqu’on n’avait rien à leur proposer. On leur a trop souvent répété que l’isolement compromettait l’existence du pays, qu’on avait hâte de trouver un moyen de renouer le lien fédéral de l’Allemagne et de sortir du provisoire alarmant où l’on vivait. Il faut savoir subir le provisoire et attendre les occasions ; ce n’est pas en en parlant qu’on les fait naître. Le prince Hohenlohe a un idéal, lequel assurément est très avouable. Il a la fibre allemande, il est très attaché à l’unité nationale, et il serait étrange qu’on lui en fît un crime. Il déplore la politique d’annexion qui a brisé le faisceau de la famille allemande, et, s’il ne tenait qu’à lui, la Prusse aurait déjà restitué ses conquêtes, et s’en dédommagerait par l’hégémonie de l’Allemagne. D’un autre côté, il s’inquiète de sentir derrière lui une Autriche détachée des intérêts germaniques, et qui, en toute question qui se présentera, ne prendra conseil que de sa propre sûreté. Ne pouvant supprimer les traités de Prague, ni défaire ce qu’a fait la Prusse, le programme d’avenir qu’il caresse, qu’il a souvent exposé dans un noble langage, peut, se résumer ainsi : — union fédérative entre les états du sud, entente cordiale entre ces états et la confédération du nord et règlement commun des affaires communes, réconciliation et alliance de la Prusse et de l’Autriche. — Mais aujourd’hui encore ce programme n’est qu’un rêve, et, en y revenant si souvent, on courait le risque d’alarmer inutilement le pays, de lui faire croire que ces plans d’avenir étaient déjà en voie d’exécution, qu’outre les traités militaires et douaniers, on en avait fait un autre auquel on cherchait à le préparer : soupçons injustes qu’une déclaration royale vient de condamner, mais que les animosités et les jalousies ont su exploiter. Que reprochent ses ennemis au prince Hohenlohe ? Non des actes, mais des arrière-pensées et des intentions, ou, pour parler bavarois, sein lendenziöses Schaffen und Handhaben. Or il ne sert de rien à un gouvernement d’avoir des tendances ; elles le compromettent en pure perte.

L’espérance du prince Hohenlohe était que le parti sur lequel il s’appuyait rallierait à lui peu à peu les esprits modérés de la droite et de la gauche. Il n’en fut rien, le ministère vit son corps d’armée s’affaiblir, se disperser et se fondre. Les élections du printemps de 1869 donnèrent à la Bavière une chambre où les patriotes et les progressistes se balançaient, et où le tiers-parti ne formait qu’une infime minorité. On sait l’étrange spectacle que donna cette chambre quand elle voulut constituer son bureau et choisir son président. Deux partis exactement égaux luttèrent front contre front dans sept votations successives sans qu’il se fît aucune défection d’un côté ou de l’autre, — rare exemple de discipline et d’opiniâtreté. En vain le prince Hohenlohe interposa ses bons offices pour concilier cet