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projets déclara au gouvernement que l’introduction des lois prussiennes ne lui paraissait pas une conséquence nécessaire des traités, que l’entrée de Baden dans le Nordbund résoudrait la question, que jusque-là il n’y avait pas de raison d’adopter un code qui inspirait aux populations une insurmontable répugnance, qu’en tout cas il le faudrait considérablement amender, et que mieux valait s’abstenir de débats compromettans et dangereux pour la politique nationale qu’on entendait suivre. Le ministère retira ces projets ; mais peu après il promulguait une loi provisoire de procédure militaire. Le pays se récria, tout fut remis en question. Ainsi finissent les lunes de miel.

Au défi qu’on leur portait, les libéraux répondirent par l’assemblée d’Offenbourg et par une circulaire qui fit du bruit. Ils déclaraient dans ce manifeste que désormais l’ultramontanisme n’était plus le seul péril à conjurer, que le parti libéral avait d’autres craintes et d’autres soucis, qu’en prêtant les mains à l’augmentation du budget militaire et des impôts il avait compromis sa popularité, que le gouvernement, trop peu reconnaissant des services rendus, avait manqué d’égards aux chambres, qu’on l’avait vu récemment remanier le cabinet sans daigner se mettre d’accord avec le parti libéral, que la confiance réciproque était morte et que l’alliance était rompue. Les signataires du manifeste ajoutaient que l’accession de Baden à la confédération du nord serait toujours l’objet de leur plus cher désir, mais que, cette accession n’étant point prochaine, la grande affaire était de poursuivre activement l’œuvre commencée des réformes intérieures, en revenant à des traditions de sage économie et en se gardant de copier ou d’imiter la Prusse, dont les traditions et les erremens, en tout ce qui touche à la question des cultes, étaient jugés par eux « contraires à l’esprit du siècle et propres à compromettre les intérêts intellectuels de la nation allemande. » Irrité de ce vote de méfiance qui ressemblait à une déclaration de guerre, le gouvernement répliqua d’abord par des hauteurs, par des défis. Cependant, l’agitation croissant, on entra en pourparlers ; on tâcha de s’entendre ; les promesses et les sourires réussissent quelquefois où les menaces ont échoué. Dans la seconde assemblée qu’ils tinrent à Offenbourg le 27 décembre 1868, les libéraux firent entendre un langage plus conciliant : ils s’engageaient à ne point faire d’opposition systématique ; ils soutiendraient le ministère dans toutes les mesures conformes à leurs principes, ils le combattraient dans les autres. On ne se boudait plus, on ne devait pas tarder à se réconcilier, grâce à l’imprudence des ultramontains, qui, trop ardens à profiter des dissentiment de leurs adversaires, conclurent un pacte avec les démocrates, et, entrant en campagne, organisèrent une agitation populaire pour obtenir la réforme de la constitution et l’élection d’une constituante par le