fait essuyer une déroute, et on les a réduits à se disperser dans les montagnes. Il n’est point douteux qu’on n’arrive rapidement à dompter cette sédition et à pacifier la province de Catanzaro,
Cette insurrection était-elle d’ailleurs entièrement imprévue, et a-t-on
fait ce qu’il fallait pour la prévenir ? C’est-là une autre question fort
agitée aujourd’hui en Italie. Malheureusement on paraît avoir traité un
peu à la légère des menées qu’on connaissait ; on semble s’être un peu
endormi et ne s’être réveillé qu’en présence d’un accident qu’un peu
plus de vigilance eût déjoué. Le ministère avait été lui-même informé,
dit-on, des préparatifs qui se faisaient, et son attention avait été éveillée
sur le danger de ces grandes agglomérations d’ouvriers dans des provinces
comme les Calabres sous la direction des fils de Garibaldi. Comme
il arrive quelquefois, on n’a cru à l’événement que lorsqu’il a été réalisé,
et alors le gouvernement s’est mis en disposition d’agir. Il le peut
d’autant plus aisément qu’il a pour lui la population tout entière contre
une poignée d’agitateurs réunis sous un drapeau de hasard au nombre
de deux ou trois cents. L’incident de Catanzaro pourrait avoir quelque
gravité, s’il ne restait pas isolé, si d’autres bandes se levaient et paraissaient
dans les provinces voisines ou même ailleurs. Sans être un danger
sérieux, ces éruptions multiples et combinées ne laisseraient pas
d’être le signe d’un plan général et prémédité. Il resterait à savoir si
cette prise d’armes de la république universelle n’a coïncidé que par hasard
avec la crise qu’on supposait devoir éclater en France, et si elle
n’est pas l’œuvre des éternels conspirateurs qui menacent toujours l’Italie.
Que les fils de Garibaldi aient été pour quelque chose dans l’apparition
de la bande de Catanzaro, c’est ce qu’on saura bientôt. Malheureusement
il n’est guère permis de douter que toutes ces agitations qui
courent à la surface de l’Italie depuis quelque temps ne soient excitées,
entretenues par le grand et invariable agitateur Mazzini, On a vu
récemment encore cette lettre étrange où Mazzini se posait en grand-prêtre
révolutionnaire. Par exemple, il ne jugeait pas ses contemporains,
ses compatriotes, avec trop d’indulgence-, n’importe, il entendait bien
s’en servir jusqu’au bout, et ses tristesses d’apôtre méconnu étaient
sans découragement. C’est certainement le type le plus complet des
conspirateurs passés et futurs. Rien ne peut le désarmer ; il conspirera
jusqu’au bout, il refusera de plier devant ce qu’il n’a pas fait. Ainsi
voilà une nation qui depuis dix ans est arrivée à s’émanciper complètement ;
des Alpes à l’Adriatique, du lac de Côme au golfe d’Otrante, les
Italiens sont indépendans et libres, formant un seul peuple. Ce que tout
le monde eût considéré comme un rêve il y a quelques années est une
réalité. Que faut-il de plus ? Ce n’est pas assez, il faut que tout cède
devant l’orgueil implacable et solitaire d’un homme. Voilà ce qu’on appelle
une politique libérale et éclairée !
ch. de mazade.