Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 87.djvu/530

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
524
REVUE DES DEUX MONDES.

d’une confédération de provinces sur une base très démocratique, à l’instar des États-Unis, — système que recommandaient au fond les traditions du pays, — et ceux qui voulaient niveler, centraliser, unifier sur le modèle de la France. L’ancienne oligarchie, privée du pouvoir, n’en restait pas moins puissante par son influence, le respect dont elle était entourée, les talens administratifs et politiques de beaucoup de ses membres, tandis que le parti révolutionnaire était pauvre en hommes capables et surtout en caractères qui inspirassent une pleine confiance. Le projet de constitution élaboré par l’assemblée nationale fut rejeté par les assemblées primaires (grondvergaderingen) à une forte majorité. Alors cette assemblée nationale fit un coup d’état, appuyé par les généraux français ; elle se déclara constituante, fit adopter par le suffrage universel, épuré et mené haut la main, une nouvelle constitution qui confiait le pouvoir exécutif à un directoire de cinq membres, et, cela fait, s’érigea de sa propre autorité en corps législatif. Ces mesures arbitraires provoquèrent un contre-coup d’état, à la suite duquel le directoire fut arrêté, déposé, l’assemblée dissoute, et un gouvernement intérimaire nommé par les promoteurs militaires et civils de cette réaction. Une représentation nationale plus sérieuse, réunie quelque temps après, ratifia pourtant ce second coup d’état, institua un nouveau directoire (staatsbewind), et l’on put penser que le parti révolutionnaire modéré resterait définitivement en possession du pouvoir.

Il était temps qu’un peu d’ordre reparût au milieu de cette confusion, car en août 1799 les Anglais débarquèrent au Helder, accueillis avec enthousiasme par la population orangiste, s’emparèrent de la flotte batave, et ils s’avançaient déjà dans la direction de la Sud-Hollande. Deux divisions russes envoyées pour les soutenir venaient de les rejoindre. La position était des plus critiques ; mais le général hollandais Daendels et le général français Brune, ayant combiné leurs forces, arrêtèrent les Anglais à Bergen, et après deux batailles chaudement disputées les forcèrent à se rembarquer. Cette campagne manquée découragea profondément les orangistes. L’appel fait par les Anglais aux fidèles de la maison stathoudérienne n’avait pu déterminer aucun mouvement sérieux. Le prince héréditaire lui-même, qui avait commis la faute insigne de débarquer avec les envahisseurs de son pays, dut repartir, convaincu qu’il n’y avait pour le moment aucune chance de rappel pour sa maison.

Cependant le nouveau gouvernement avait une peine infinie à prendre racine. Tout était désorganisé, les affaires chômaient, le désordre financier était effrayant. On avait encore voulu réviser la constitution, et les chambres avaient rejeté la révision. C’est alors que, sur le conseil de Bonaparte, premier consul, trois directeurs