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LE DRAME DU VÉSUVE.

statues, ont été enlevés avec le même soin. En y réfléchissant, rien n’était plus naturel. Pendant plusieurs siècles, la vieille Pompéi servit ainsi de carrière ; les recherches étaient toujours lucratives, elles se renouvelaient de temps à autre selon les besoins. On a lu à l’entrée d’une maison ainsi visitée l’inscription suivante, tracée à la pointe sur le stuc : Δουμμοc Περτουca, avertissement qui semble signifier, dans son style barbare, maison ravagée, défoncée[1]. Or les caractères de cette inscription sont ceux du iiie siècle de l’ère chrétienne. Ce seul indice a fait supposer à certains critiques, bien à tort, que l’empereur Alexandre Sévère avait fait fouiller Pompéi, afin d’en tirer les colonnes et les marbres nécessaires aux constructions qu’il entreprenait à Rome. Pompéi, de si petite proportion, peu somptueuse dans ses matériaux, revêtue surtout de stuc et enfin déjà dépouillée, aurait bien vite déçu l’espoir d’un fastueux césar.

Qu’advint-il plus tard du municipe reporté sur les flancs du Vésuve ? À quelle époque fut-il détruit ou enseveli à son tour ? Fut-ce sous Théodoric ou sous Justinien, pendant des éruptions si violentes qu’on prétendit que les cendres du Vésuve avaient été portées par le vent jusqu’à Constantinople ? Fut-ce en 612, en 685, au xe siècle ou au XIe ? car le moyen âge a vu aussi des cataclysmes volcaniques, et c’est à cette époque que saint Janvier, protecteur de Naples, devint l’objet d’un culte si fervent ; les Napolitains tremblans ne demandaient qu’à lui seul leur salut. Un jour, la quatrième Pompéi disparut sans avoir laissé d’autres traces que celles que l’on a récemment constatées. Quant à la ville ensevelie sous Titus, elle fut un peu plus enterrée après chaque convulsion du Vésuve. Comme d’un autre côté les paysans du voisinage ne cessaient de démolir tout ce qui sortait du sol pour en tirer des tuiles, des briques, des matériaux faciles à transporter, l’heure vint où l’on ne vit plus qu’un vaste plateau de cendres d’où sortait un pan du théâtre et le sommet de l’amphithéâtre. La végétation avait commencé sur ces cendres, fécondées par la chaux et la poussière des ruines : la culture fit le reste. L’ignorance aidant, on ne songea plus qu’une ville découronnée dormait sous les champs de blé, les vignes et les ormeaux. Les temples de Pæstum avaient bien été oubliés depuis que l’évêque de Pæstum s’était transporté à Capaccio avec le reste d’une population décimée par la fièvre. Les voyageurs du xviiie siècle les découvrirent aussi sincèrement que les navigateurs découvrent un nouveau monde. Pompéi fut effacée de la mémoire des hommes au point que le nom même de Cività par lequel les gens du pays désignaient ce monticule verdoyant, n’avait plus de sens pour personne.

  1. Fiorelli, Giornale degli Scavi di Pompei, 1868, p. 42.