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LE DRAME DU VÉSUVE.

Clémens a restitué au municipe des Pompéiens, reipublicœ Pompeianorum, les terrains envahis par les particuliers ; selon toute vraisemblance, ces particuliers étaient les colons envoyés de Rome et établis de ce côté. Dès lors, le doute n’était plus permis.

Le premier effet de cette révélation fut de reporter plus loin la curiosité, je devrais dire l’avidité ; on alla interroger le véritable emplacement de Stabies. On espérait y faire une abondante moisson d’objets propres à flatter les goûts du souverain ; on se souciait peu de pénétrer les secrets de l’antiquité, on n’avait ni plan ni méthode, on recouvrait à mesure et parfois l’on détruisait ; on ne voulait que des matières rares pour orner le palais, ou des œuvres d’art pour enrichir le musée. Stabies déçut cet espoir ; on y fit peu de trouvailles, les terres étaient partout cultivées, les expropriations coûtaient trop cher ; on reconnaissait non une ville, mais des maisons disséminées qui rappelaient qu’après le siége et les ravages de Sylla, Stabies avait cessé d’être une cité pour devenir un bourg, et plus tard un lieu de plaisance. On revint à Pompéi, et le 14 juillet 1764 le journal des fouilles est pour la première fois rédigé en langue italienne, sans que la direction des Italiens fût plus louable que celle des Espagnols. Pendant toute la fin du xviiie siècle, les fouilles furent conduites avec si peu de respect pour les monumens qu’elles ressemblaient à un pillage. On enlevait tout ce qui paraissait digne d’être enlevé, et l’on enfouissait à mesure une maison dépouillée sous les cendres de la maison voisine qu’on voulait dépouiller. C’est pour cela que les rapports de ceux qui surveillaient les travaux (soprastanti) contiennent bien plus d’inventaires que de descriptions. Les inventaires étaient une précaution contre leurs agens, une garantie pour eux-mêmes, une sécurité pour le prince qui les employait. On pouvait s’assurer chaque soir que le nombre et la qualité des objets envoyés à Portici s’accordaient avec le nombre et la qualité consignés sur les catalogues manuscrits. Du reste, le récit d’une visite faite à cette époque par un grand personnage donnera une idée plus juste de l’état des lieux.

Le 7 avril 1769, l’empereur Joseph II se rendit à Pompéi, accompagné par le roi Ferdinand IV, son beau-père, la reine, le comte de Kaunitz, le chevalier Hamilton, ministre d’Angleterre, l’antiquaire d’Hancarville[1], l’ingénieur F. de La Vega, etc… On débuta par la caserne des gladiateurs, dont le périmètre intérieur seul avait été déblayé. L’empereur s’étonna qu’on eût laissé l’espace intermédiaire enseveli sous une montagne de cendres. La Vega lui fit re-

  1. C’est celui qui a publié les Vases d’Hamilton. La Vega estropie son nom et l’appelle d’Ancrevil.